Le blog de Lizzie Crowdagger

Ici, je discute écriture et auto-édition, fanzines et livres numériques, fantasy et fantastique, féminisme et luttes LGBT ; et puis de mes livres aussi quand même pas mal
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Cinq astuces pour avoir une langue fictive dans votre roman sans vous embêter à créer une langue fictive

, 17:28

Quenya_Example.svg.png

Le saviez-vous ? JRR Tolkien lui-même
a commencé en griffonant des lettres
au pif et en faisant des blagues pour
inventer des mots, avant de créer des
justifications à postériori pour faire
sérieux et se la péter[réf. nécessaire].

Imaginons que vous écriviez un roman de fantasy ou de science-fiction, et qu’à un moment vos protagonistes rencontrent une peuplade étrangère. Quoi de mieux que de mettre une langue fictive pour augmenter le sentiment d’immersion ? Oui, mais voilà, vous avez autre chose à faire que de vous enquiquiner à inventer une nouvelle langue à partir de rien.

Ça tombe bien, dans cet article, je vais vous donner mes meilleures astuces pour faire croire que vous avez fait ce boulot !

Astuce #1 : ne pas mettre de langue fictive

Commençons par la méthode la plus simple : vous raviser, et ne tout simplement pas mettre de langue fictive. Pas de mots inventés, rien. Certes, ça peut être compliqué dans certains cas, mais pour le roman, en général on peut toujours se débrouiller dans mettre le moindre mot étranger (fictif ou pas) dans son texte. Après tout, soit les personnages parlent et comprennent la langue, et ça n’a donc pas forcément de sens de rendre un passage incompréhensible pour le lecteur ; soit ils ne la parlent pas, et il suffit de dire qu’ils ne comprennent pas ce qui est dit, qu’un autre personnage prononce un mot inconnu, etc.

Certes, on perd peut-être un peu d’immersion, et surtout vous perdez beaucoup de street-cred de vrai écrivain de fantasy si vous faites ça (pour peu que vous n’ayez pas mis de carte au début du livre, c’est la cata), mais ça reste une possibliité.

Astuce #2 : le rot13

Le principe du rot13 est de décaler toutes les lettres de l’alphabet de treize positions : A devient donc N, B devient O, etc. Vous pouvez coder/décoder en ligne sur beaucoup de sites, dont rot13.com. Ça ne marche pas forcément bien pour tous les types de langues, mais typiquement pour une incantation démoniaque ou ce genre de choses, ça donne un résultat qui ne marche pas trop mal. Par exemple, si vous tapez « Je mangerais bien des frites », vous obtiendrez :

Wr znatrenvf ovra qrf sevgrf

Bon, si on laisse tel quel, ce n’est pas forcément génial, mais vous pouvez toujours arranger un peu manuellement pour que ce soit un peu plus convaincant. Par exemple :

War znatrenv’f ovra qu’rf sevgrf!

Astuce #3 : écrire les mots à l’envers

Une autre astuce, si vous voulez simplement avoir quelques mots d’une langue étrangère fictive, c’est juste de prendre des mots et de les écrire à l’envers. Par exemple, pelleteuse deviendra esuetellep. Là encore, on peut faire un peu d’arrangement à la main pour qu ça rende un peu mieux.

DISCLAIMER : LES DEUX CONSEILS PRÉCÉDENTS SONT BIEN ÉVIDEMMENT IRONIQUES. N’IMPORTE QUEL ÉCRIVAIN QUI SE RESPECTE UN MINIMUM N’UTILISERAIT JAMAIS DES PROCÉDÉS AUSSI CHEAPS. EN PARTICULIER, LES PHRASES ET MOTS DE LANGUES ÉTRANGÈRES FICTIVES APPARAISSANT DANS PAS TOUT À FAIT DES HOMMES ONT ÉTÉ CONSTRUITES À PARTIR D’ANALYSES LINGUISTIQUES RIGOUREUSES ET CERTAINEMENT PAS EN UTIILISANT DE MÉTHODES AUSSI FEIGNANTES.

Astuce #4 : utiliser une langue réelle

Une autre méthode assez simple est, bien évidemment, d’utiliser une langue réelle. Pour des incantations ésotériques, le latin reste par exemple une valeur sûre. Un petit coup de Google Translate, et c’est marre. Ça peut aussi marcher pour des langues vivantes, d’autant plus quand vous vous inspirez déjà un peu d’un pays existant. Par exemple, dans Discworld de Terry Pratchett, les gens de Quirm parlent français. Évidemment, si vous avez un ton plus sérieux, il y a des chances que les gens viennent un peu pinailler et vous risquez, là-aussi, de perdre de la street-cred de vrai écrivain de fantasy, donc c’est à manier avec précaution. Oh, et aussi parce qu’on peut assez vite tomber dans des clichés racistes que vous allez avoir plus de mal à passer sous le tapis en disant « ah ah, non, mon peuple très clairement inspiré d’une culture existante est purement fictif et n’a rien à voir avec celle-ci, je ne sais pas ce que vous vous imaginez ! ».

Sinon, vous aussi pouvez aussi utiliser une langue construite, comme cette bande dessinée dont je ne me rappelle plus le nom qui a des démons qui parlent en espéranto.

Astuce #5 : utiliser une autre langue fictive

Mais quitte à utiliser une langue construite, pourquoi ne pas partir sur une langue fictive existante, comme l’elfique de Tolkien, le klingon de Star Trek, le dothraki de Game of Thrones, ou encore le créole belter de The Expanse ?

Ah, oui, il y a peut-être les soucis de copyright. Ce qui pose la question : est-ce qu’on peut copyrighter une langue, même si elle est fictive ? Si ça vous intéresse, il y a une interview en anglais de David J Peterson (qui a notamment travaillé sur les langues de Game of Thrones) qui parle un peu de ce sujet, et évoque la position de la Language Creation Society. En gros : ça devrait (idéalement) pas être soumis à copyright, mais si t’as du succès et que t’attires l’attention des potentiels ayants droits tu risque quand même d’avoir des soucis.

Et sinon…

Vous pouvez retrouver mes textes de fiction (qui, bien sûr, sont travaillés avec beaucoup plus de sérieux) sur mon site. Pour être au courant de mes dernières parutions, n’hésitez pas à vous abonner à ma newsletter (faible trafic, pas plus d’un message par mois). Pour me permettre de pouvoir continuer à diffuser des textes et de très bons conseils d’écriture, vous pouvez me soutenir sur Tipeee à partir d’1€ par mois, ce qui vous donnera accès à mes prochains textes de fiction en avant-première.

Réflexion d'écrivaine sur la représentation des meufs grosses dans la fiction

, 14:26

Melissa McCarthy dans le film Les flingueuses
Melissa McCarthy dans Les Flingueuses, un des rares exemples d’«héroïne» grosse dans un film d’action.

Il y a quelques jours, j’ai livré sur mon compte Twitter mes réflexions sur mon rapport en tant qu’écrivaine à la représentation de meufs grosses dans la fiction. En voici une version rédigée et un peu plus enrobée.

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L'influence des jeux vidéos sur La chair & le sang

, 18:22

En ayant enfin relu, puis publié, le dernier épisode de La chair & le sang, j’ai soupiré de soulagement et je me suis accordé une pause Playstation. Tout en dézinguant des nazis dans le dernier Wolfenstein, je me suis dit que j’avais puisé une certaine inspiration dans les jeux vidéos, notamment pour ce qui était des capacités surnaturelles de certains personnages, et j’avais envie d’en parler un peu.Manette DualShock pour Playstation 4

Spoiler alert

Avant d’aller plus loin, je tiens à préciser que je vais beaucoup parler du dernier épisode (qui révèle un peu plus de choses sur Jessica), et notamment en citer quelques extraits ; cela ne devrait pas ruiner complètement votre lecture mais pourrait légèrement gâcher des éléments de surprise. Donc, si vous n’avez pas encore lu La chair & le sang, vous pouvez lire les cinq épisodes en version numérique, à prix libre ici. Si vous les avez déjà lus ou que vous n’attachez pas une trop grande importance à ça, vous pouvez continuer la lecture de l’article.

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Bilan auto-édition 2017 : des chiffres et des lettres

, 05:18

Comme l’année passée, voici un petit bilan chiffré concernant mes ventes en auto-édition. L’objectif d’un tel « exercice » n’est ni de me faire mousser, ni de me plaindre, mais d’une part de faire un petit bilan personnel, et d’autre part de montrer d’autres chiffres que ceux des auteurs de best-sellers qu’on met tout le temps en avant pour vanter les mérites de l’auto-édition.

Notez que je ne parle ici que des livres auto-édités, parce que je n’ai pas les derniers chiffres pour ceux qui sont édités : je ne parlerai donc ni d’Enfants de Mars et de Vénus, ni d’Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires). Par ailleurs, ces chiffres n’incluent pas non plus les abonnements sur ma page Tipeee, et se concentrent exclusivement sur les ventes numériques (parce que je ne suis pas foutue de compter un peu correctement les autres).

Livres auto-édités

Cette année, j’ai publié en auto-édition La chair & le sang, une série de fantasy urbaine en cinq épisodes :

On peut voir ça comme un roman en cinq parties, ou comme cinq livres différents, je reviendrai un peu là-dessus après.

Par ailleurs, mes livres auto-édités les années précédentes étaient toujours disponibles à la vente sur les différentes plate-formes, en plus d’être téléchargeables librement sur ce site :

Canaux de diffusion

Comme l’année passée, tous ces livres étaient disponibles sur les principales plate-formes de vente de livres électroniques : Amazon, Kobo, Fnac, Ibook, Smashword, etc.

Nouveauté cependant par rapport à l’an passé, il est maintenant possible de les acheter à prix libre sur mon site (en passant par Paypal) : il s’agit d’un prix libre complet (vous donnez ce que vous voulez, y compris rien du tout) pour les textes « anciens », et d’un prix libre un peu plus restrictif (le prix minimum est de fait de 50 centimes) pour les épisodes de La chair & le sang (sauf le premier, téléchargeable gratuitement). Épisodes qui étaient, par ailleurs, accessibles aux abonné·e·s Tipeee, mais je ne savais pas trop comment compter ces abonnées dans cet article, donc je ne l’ai pas fait.

Chiffres

Bon, foin de fioriture, voici les chiffres :

Après, faire le bilan de la série en elle-même est un peu plus compliqué :

  • Si l’on considère qu’il s’agit de 5 livres séparés (ce qui est le cas), cela fait un total de 430 ventes ;
  • Si l’on considère qu’il s’agit d’une seule histoire en cinq parties (ce qui est aussi le cas), cela fait seulement 38 achats complets (ce qui en vrai n’est pas si mal non plus);
  • On peut aussi imaginer regarder la moyenne de vente par épisodes (86) ou autre formule plus complexe mais qui n’aurait pas beaucoup plus de sens.

Toujours est-il qu’il me semble pouvoir remarquer les choses suivantes :

  • du point de vue de l’auteur ou de l’éditeur, il faut être honnête, la formule « série » est sans doute plus rentable que sortir un seul roman, et c’est sans doute pour ça que c’est autant revenu à la mode avec le numérique ;
  • c’est évidemment toujours Amazon qui se taille la part du lion en vente de livres numériques, avec 86% des ventes ;
  • je suis contente qu’il y en ait tout de même eu un peu moins de 5% en vente directe sur ce site, certes ma volonté d’être moins dépendante d’Amazon est loin d’être totalement accomplie mais entre ça et la page Tipeee c’est un bon début ;
  • au niveau plus personnel, si on fait abstraction du dernier épisode qui n’est sorti que le 21 décembre, je suis assez contente de voir qu’il y a tout de même pas mal de gens qui ont acheté la suite après avoir acheté le premier épisode, ce qui laisse a priori supposer qu’ils ont un minimum apprécier.

Pour ce qui est des autres livres :

  • Pas tout à fait des hommes : 92 ventes, dont 82 sur Amazon (contre 145 ventes en 2016 et 49 en 2015), total sur toutes les années : 420 ventes numériques (dont 390 sur Amazon) ;
  • Noir & blanc : 7 ventes, dont 3 sur Amazon (contre 4 ventes en 2016 et 49 en 2015), total sur toutes les années : 148 ventes numériques (dont 107 sur Amazon) ;
  • Sorcières & Zombies : 25 ventes, dont 21 sur Amazon (contre 5 ventes en 2016 et 17 en 2015), total sur toutes les années : 91 ventes numériques (dont 35 sur Amazon).

Au total, en cumulant tous les livres vendus cette année, cela fait  environ 86% des ventes numériques qui se sont déroulées via Amazon (contre plus de 90% l’an passé, baisse notable tout de même). Comme pour l’an passé, je trouve intéressant de noter qu’il y a quand même quelques exceptions : cette année, Sorcières & Zombies a rattrapé son retard de vente sur Amazon, mais cela reste un livre qui s’est plus vendu sur Kobo. Pourquoi ? Mystère et boule de gomme, mais en tout cas ça me confirme dans l’idée qu’il vaut mieux éviter de mettre tous ses œufs dans le même panier.

Petit bilan

À titre personnel, je suis assez contente de ce bilan, puisque La chair & le sang s’est quand même plutôt bien vendu. Même si je continue à surtout vivre du RSA plus que de l’écriture, ça, plus les abonnements Tipeee, ça m’a quand même fait une certaine bouffée d’oxygène et permis d’être un peu moins dans le rouge financièrement.

Après, espérer gagner de l’argent avec l’écriture de fiction, ce n’est pas quelque chose d’évident, et ce n’est, sauf exception, probablement pas la voie royale pour espérer accéder à la propriété, une voiture de sport et une piscine privée.

Ah et quand même pour un point plus positif : cela fait maintenant au moins sept ans que Pas tout à fait des hommes est disponible à la vente sur Amazon, en plus de pouvoir être téléchargé gratuitement à pas mal d’autres endroits ; malgré ça, j’en ai quand même vendu plus de 90 exemplaires numériques cette année. Ce n’est pas énorme, mais ce n’est pas rien non plus, et je pense quand même que le numérique (ou, d’ailleurs, le passage par des petites maisons d’éditions) a l’avantage d’éviter le pilon et de permettre à un livre de continuer à vivre sa vie même s’il n’est pas un best-seller.

Par ailleurs, si ce n’est pas (encore) le cas pour La chair & le sang, les autres livres dont je donne les chiffres sont tous également disponible sous licence libre (Creative Commons BY-SA), ce qui tendrait à indiquer qu’il est tout de même possible de gagner un peu d’argent avec de l’art libre.

 


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Enfin une vraie écrivaine de fantasy : le « guide des personnages » de la série La chair & le sang

, 19:00

Depuis le deuxième épisode de la série de fantasy urbaine lesbienne (et vampirico-punko-garou) La chair & le sang, j’ai ajouté un « Résumé des épisodes précédents » au début de chaque épisode. (Sauf pour la version fanzine, pour l’aspect pratique : réduire le nombre de pages rend l’agrafage moins compliqué…)

Il y a évidemment un aspect utilitaire à la chose : rappeler brièvement certains évènements pour les personnes qui suivent le rythme de parution de la série, et ont donc eu deux mois pour oublier ; et éventuellement permettre à quelqu’un qui n’aurait pas compris qu’il s’agit d’une série feuilletonnante (et n’aurait donc pas lu les précédents épisodes) d’espérer un peu se raccrocher en cours de route. Cela dit, un aspect non négligeable qui m’a poussée à inclure ce « résumé des épisodes précédents », c’était que je trouvais l’exercice amusant, et que ça permettait de faire un clin d’œil aux séries télés.

Pour le prochain épisode, qui devrait être disponible dans quelques jours aux abonné·e·s Tipeee (et le premier août pour le reste du monde), j’ai décidé d’y adjoindre aussi un guide de personnages, en l’occurence nommé « Factions en présence ». Là encore, ce n’est pas tant que je pense que c’est indispensable pour suivre l’œuvre, mais parce que j’étais toujours assez amusée par ces livres de fantasy qui commencent par (en plus d’une carte) avoir une généalogie ou un guide expliquant à quelle Maison ou quel clan appartient tel personnage (mention spécial pour les guides de personnages du trône de fer, qui composent à eux seuls un nombre de pages considérables).

Voici donc, en avant première, ces factions en présence (attention : même si la plupart des personnages sont présentés au début du premier épisode, et qu’il y a peu d’indications substantielles, les plus récalcitrant·e·s au spoiler feraient peut-être mieux d’éviter une lecture trop détaillée s’ils ou elles n’ont pas lu les précédents épisodes).


Guide des personnages de la série de fantasy urbaine La chair & le sang(Cliquez sur l’image pour l’agrandir.)

Bref, voilà, ça n’apporte sans doute pas grand-chose, mais ça m’a fort amusée de le faire. Et puis, maintenant, j’ai enfin l’impression d’être une vraie écrivaine de fantasy… quoique, pas tout à fait, il manque encore une carte. Ou peut-être un plan de métro ?


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Billets connexes

Réflexion sur le financement participatif, l'auto-édition et les changements dans le rapport à la création

, 13:41

Dans un billet précédent, j’ai fait un petit bilan de Tipeee et discuté de son intérêt éventuel pour les auteurs, essentiellement dans une logique bassement financière. Dans ce billet-ci, je voudrais tenter d’esquisser quelques réflexions sur les implications politiques et « éthiques » de ces changements dans la création qu’impliquent ce type de financement participatif, mais aussi l’auto-édition et d’autres évolutions.

Au final, je ne suis pas très satisfaite de cet article et j’ai plus l’impression de jeter des pensées en vrac, mais vu que ça fait un moment que je suis dessus, j’ai préféré le publier tel quel, donc ce n’est vraiment pas à prendre comme une vérité absolue ou une position tranchée, mais bien comme une esquisse de réflexion.

Le modèle classique

Avant de commencer, examinons un peu le modèle « classique ». Dans celui-ci un auteur ou une autrice envoie un manuscrit à un éditeur (ou celui-ci contacte un auteur), qui accepte de le publier (ou n’accepte pas, mais dans ce cas l’histoire s’arrête ici). L’éditeur imprime ensuite le livre, et le vend, en passant par un distributeur et des librairies, et reverse des droits d’auteurs.

Dans ce modèle, celui qui détermine la valeur d’une œuvre, c’est en premier lieu l’éditeur, qui décide de quelle œuvre est digne d’être publiée ou pas. C’est ensuite la critique, et le public (qui décide de l’acheter ou pas), en passant par le distributeur et les librairies (qui décident si le livre sera mis en avant ou pas), mais en pratique c’est souvent le fait d’avoir tel ou tel éditeur qui va conditionner l’accès à telle distribution, telle librairie, et tel réseaux de critiques, et donc en bonne partie au public (un petit éditeur ne sera pas aussi bien diffusé qu’un grand, un éditeur généraliste pas diffusé aux mêmes endroits qu’un éditeur spécialisé, etc.).

L’éditeur est le principal garant de la qualité d’une œuvre : il publie uniquement des œuvres dont il estime que la qualité littéraire est suffisante. Par ailleurs, il les retravaille ensuite, en concertation avec l’auteur. L’éditeur peut prendre des risques, et décider d’investir de l’argent dans une œuvre même s’il sait qu’elle risque de ne pas marcher financièrement. Si les librairies et le distributeur ne décident pas des œuvres qui sont publiées ou non, elles peuvent néanmoins mettre en avant les livres qu’elles jugent les meilleures, d’un point de vue littéraire.

Bref, dans ce modèle, ce qui prime c’est la qualité littéraire de l’œuvre.

Évidemment, le modèle que je viens de présenter est on ne peut plus théorique : en pratique, mis à part (et encore) cas d’associations à but non lucratif, un éditeur aura tout intérêt à publier un livre qu’il trouve médiocre s’il pense qu’il va faire de très grosses ventes, de même qu’un·e libraire aura intérêt à mettre en avant les best-sellers plus que ses choix personnels. Il y a de fait une certaine contradiction entre l’objectif de promouvoir la qualité littéraire (ou du moins une certaine vision de celle-ci, puisqu’elle est indéfinissable et impossible à mesurer) et celui de faire de l’argent, ou du moins de ne pas mettre la clé sous la porte.

Dans ce modèle, on a donc deux facteurs qui permettent de déterminer le succès d’un livre :

  • la popularité auprès du public, c’est-à-dire le nombre de ventes[1] ;
  • la qualité « littéraire », qu’on ne peut pas mesurer en soi mais qui peut être « validée » par un certain nombre d’instances intellectuelles (critiques, prix, etc.), et qui entraine une certaine rémunération en plus de celles provenant directement des ventes (bourses, invitations prestigieuses rémunérées, récompenses, etc.).

Auto-édition

Dans le modèle de l’auto-édition, on squizze complètement l’éditeur, puisque c’est l’auteur ou autrice qui est son ou sa propre édit·eur·rice. Il n’y a donc plus personne pour s’assurer que l’œuvre publiée est d’une certaine qualité, et c’est d’ailleurs un des reproches fréquents faits à l’auto-édition : il y a sans doute des livres bien, mais il y en a beaucoup trop qui sont mauvais, il n’y a personne pour faire le tri, etc..

Dans ce modèle, le principal et quasi unique critère de succès est le nombre de ventes. On a tendance à penser ce système sans « filtre », mais je pense que ce n’est pas tout à fait aussi exact : la plate-forme de vente (qui n’est, au final, jamais qu’une librairie en ligne) effectue un choix de mise en avant un peu de la même manière que peut le faire un·e libraire. Certes, contrairement à ce·tte dernier·e, c’est pratiquement uniquement le facteur commercial qui prime, et principalement sous forme d’algorithmes automatisés, mais il serait illusoire de penser ces algorithmes comme neutres. Le fait de choisir telles catégories pour ranger les livres, de choisir tels critères pour les classer ou les mettre en avant est tout sauf neutre et va privilégier certains ouvrages et en masquer d’autres.

Toujours est-il que dans ce modèle, comparé à l’édition, il n’y a dans les faits qu’une seule chose qui détermine le succès de l’œuvre : la popularité auprès du public, puisqu’à partir du moment où une œuvre n’est pas éditée il est assez illusoire de pouvoir espérer obtenir une reconnaissance littéraire.

Ce qui est intéressant à mon avis, comparé à l’édition, c’est que le seuil pour qu’il s’agisse d’un succès est sans doute plus bas : pour un éditeur, vendre un livre à une cinquantaine d’exemplaires est en général un échec cuisant ; pour un·e auto-édiité·e, cela peut être considéré comme satisfaisant, en particulier s’il s’agit de genres qui n’ont pas un très grand public et ne se vendent pas très bien. L’auto-édition peut donc permettre de publier des œuvres qu’un éditeur ne pourrait pas se permettre de publier (parce qu’il y a les frais d’impressions, de maquettage, de réalisation de couverture, de corrections, etc.).

Le financement participatif

Pour finir, regardons un peu le fonctionnement du financement participatif, qui n’est jamais au final qu’une variante de l’auto-édition[2]. Dans ce modèle, l’auteur ou l’autrice met à contribution son public pour lui demander des dons réguliers (ou pas, d’ailleurs, je pense que cette analyse s’applique aussi pour des financement participatifs non réguliers comme Ulule ou Kickstarter).

En apparence, on pourrait penser que ce système est assez similaire au précédent, et que c’est avant tout la popularité auprès du public qui va déterminer le succès d’un livre ou d’un·e écrivain·e. Il me semble pourtant qu’il s’agit de quelque chose d’un peu différent, qui ne demande pas tant une certaine « popularité » qu’une forme d’« adhésion » ; ou dit autrement, ce n’est pas tant le nombre de lecteurs et lectrices qui importe, mais le nombre de « fans », ou en tout cas de personnes prêtes à passer un cap un peu supérieur à celui du simple achat du livre fini.

Je pense que ça a des conséquences qui sont en partie positives : certains types de livres (ou d’autres médias, d’ailleurs) ont un public restreint, mais qui est prêt à payer parce qu’il y a un vrai besoin que de telles œuvres existent. Le financement participatif peut donc permettre de financer la création d’œuvres qui n’auraient pu se faire ni avec une validation éditoriale, ni en comptant sur un grand nombre de ventes.

D’un autre côté, dans ce modèle il ne s’agit souvent plus tant de payer pour acheter un livre, mais de soutenir un projet ou une personne.Dans ce cas, ce qui détermine le succès d’une œuvre, ce n’est plus uniquement la qualité de celle-ci (qu’il s’agisse de qualité en terme de « popularité » ou en terme de « qualité littéraire »), mais également le « charisme » de l’auteur, ou plutôt du « porteur de projet ».

Un problème de personnalisation

Évidemment, c’est un élément qui n’est pas non plus complètement absent des modèles précédents : on achète souvent un livre parce que c’est Untel qui l’a écrit ; les livres de stars auront sans doute plus de succès, indépendamment de leur contenu, que ceux d’anonymes ; et il est plus facile de trouver un éditeur lorsqu’on a un certain réseau de connaissances. Là où je vois une différence, c’est que j’ai l’impression que ce système pousse beaucoup plus les auteurs et autrices à se « mettre à nu ».

En regardant de nombreuses pages Tipeee et Patreon (que ce soit pour mon article précédent ou pour avoir des idées de contreparties pour le mien), j’ai été assez frappée de voir le nombre de contreparties qui ne concernent pas l’œuvre, mais une forme d’accès à l’intimité de l’auteur ou autrice : chat/visioconférence, accès à des photos, rencontre en tête à tête…

(Même la contrepartie hyper-courante « votre nom dans les remerciements » m’interroge : certes, dire « merci », cela paraît la moindre des choses, mais… lorsque je m’abonne à Mediapart, je ne m’attends pas à ce que mon nom apparaisse dans une longue liste en bas d’un prochain article. Même (pour reprendre la métaphore prisée par le créateur de Tipeee) lorsque je met quelques pièces dans le chapeau d’un musicien qui fait de la guitare dans le métro, je ne m’attends pas à ce qu’il cite mon nom à la fin de la prochaine chanson. Il paraît important de faire sentir au donateur ou à la donatrice qu’il/elle est important·e ; quand bien même c’est fait de manière un peu hypocrite, en fin de générique d’une vidéo Youtube au milieu de cinquante noms que personne ne lit jamais. Certains « créateurs » résolvent ce problème de la surabondance de noms à citer en faisant de « votre nom dans les remerciements » une récompense chère et limitée aux plus généreux (et aux plus riches) des donateurs. Peut-être que je suis une connasse ingrate, mais j’ai choisi de ne pas proposer du tout ce type de contrepartie : après tout, pourquoi quelqu’un qui fait un don sur Tipeee mériterait-il/elle plus d’être remercié·e publiquement que quelqu’un qui a acheté un (voire plusieurs) de mes livres dans une librairie ?)

Cet accès à l’intimité de l’auteur ou autrice se fait aussi dans les descriptions des projets et donc de leur porteurs et porteuses. Quand j’ai créé ma page Tipeee, je me suis d’abord sentie un peu « obligée » d’expliquer pourquoi je demandais de l’argent, et aussi comment obtenir telle ou telle somme impacterait mon quotidien : je pourrais me payer du chauffage, mettre un peu de beurre dans les pâtes, ne plus flipper pour le loyer, me payer une Harley (ça, c’était si je gagnais beaucoup, hein). Comme ça me mettait un peu mal à l’aise, j’ai depuis corrigé le tir, en présentant plutôt ça comme l’accès à du contenu : pour 1€, vous avez du contenu numérique, pour 5€ des fanzines, si j’obtiens 100€/mois je posterai des passages supprimés, si j’en ai 200€ je ferai des autocollants. Il n’empêche qu’avec ce système j’ai l’impression que ça pousse à livrer des bouts de son intimité ou de sa vie privée pour obtenir une sympathie du public et le pousser à donner (en tout cas pour les auteurs et autrices peu reconnues, mais qui sont l’essentiel de ceux et celles qu’on trouve sur ces plateformes). Et j’avoue que je me demande parfois un peu « quand même, si je la jouais un peu plus misérabiliste, est-ce que je ne gagnerais pas un plus d’argent ? ».

(Même si ça ne concerne pas la création, je trouve que c’est aussi quelque chose qu’on voit aussi malheureusement beaucoup dans les « pots communs » pour soutenir une personne en difficulté, payer une opération, etc. Dans un « marché » où il y a beaucoup plus de personnes dans la merde que de personnes prêtes à filer beaucoup d’argent, on ne peut pas juste dire qu’on a besoin d’argent pour payer telle opération, mais il s’agit de montrer des échanges avec le médecin et des honoraires détaillés pour justifier sa bonne foi, d’expliquer à quel point la situation actuelle cause une souffrance physique ou psychique, etc.)

Je fais ce reproche pour le financement participatif, mais je pense qu’il est vrai un peu partout. Même pour un livre édité (et encore plus pour un livre auto-édité), il est de bon ton d’être présent sur les réseaux sociaux ; présence qui implique un minimum d’interactions, et qui encourage quand même pas mal à parler de soi. Je ne suis pas super élitiste à regretter l’époque bénie où les auteurs étaient inaccessibles sur leur piédestal, mais je pense que cette injonction à rendre accessible son intimité est de plus en plus présente, et (évidemment) pas que pour les écrivain·e·s.

Une exposition d’autant plus indispensable qu’on est minorisé·e

Par ailleurs, il me semble que cette forme d’injonction à rendre accessible son intimité est d’autant plus forte, et touche différemment, lorsqu’on est une femme ou qu’on fait partie de groupes minorisés. Ça rejoint d’ailleurs la façon dont les œuvres sont perçues et analysées : les hommes blancs (hétéros, cisgenres, valides, etc.) pourront parler de manière universelle et « détachée » ; tandis que les œuvres de femmes et de personnes minorisées seront beaucoup plus souvent considérées comme autobiographiques, reflétant forcément leur vécu et leur position sociale, là où celle des hommes sera considérée comme « neutre ».

En regardant rapidement sur Patreon des « créateurs » et « créatrices » de fiction LGBT et non spécifiée comme LGBT, j’ai remarqué que la présentation des artistes avait tendance à différer. Dans le premier cas, il s’agit de livrer une forme de liste sur des éléments identitaires de la personne avant ce qu’elle fait : « I’m a twenty-something, gender fluid child playing at being an adult. I am also a self-published writer », « I’m a Mexican trans woman working as a writer, translator, and editor ». Dans le second, il n’y a pas cette première partie, et c’est la deuxième qui est mise en avant : « I’m a writer, editor and publisher of speculative fiction, which means anything from magic realism to horror ».

On peut sans doute expliquer en partie cela par le fait que les groupes minorisés sont constamment soumis à cette injonction à se rendre accessibles et à rendre leur vie privée disponible. Pour prendre uniquement les personnes LGBT, on peut penser à l’omiprésence de questions du type « c’est laquelle qui fait l’homme ? » adressée à un couple lesbien, ou encore « est-ce que tu es opéré·e ? » à une personne trans.

Il y a sans doute également un aspect plus communautaire, ces façons de se présenter reprenant au final une façon de faire (discutable, mais ce n’est pas le sujet) dans certains cercles « militants » ; on peut aussi supposer que l’objectif, pour du financement participatif, est de montrer qu’il ne s’agit pas juste de financer un auteur ou une autrice, mais une personne d’un groupe marginalisé qui est sous-représenté, et donc de faire appel à un soutien communautaire.

Ce soutien communautaire permet à certain·e·s artistes de connaître un certain succès qu’elles n’auraient peut-être pas connues ni dans l’édition classique, ni dans l’auto-édition sur des plate-formes. Mais cette survisibilité peut aussi entraîner des attaques violentes de groupes réactionnaires, comme le montrent les attaques récentes (et pas que récentes, d’ailleurs) contre Sophie Labelle. Les personnes appartenant à des groupes minorisés sont donc d’autant plus poussées à s’exposer, mais en le faisant elles prennent beaucoup plus de risques.

 Un système injuste

Au vu de ce que j’ai dit précédemment, on pourrait en conclure que le financement participatif est un système injuste, et c’est un reproche que j’ai vu pour le critiquer. Je pense qu’il est en partie déplacé, non pas parce qu’il est faux, mais parce qu’il est tout aussi vrai pour les autres systèmes de publication. La rémunération, comme le succès (les deux étant en général corrélés, et le succès est en soi une forme de rémunération) d’un·e écrivaine est quelque chose de fondamentalement injuste, puisqu’à quantité de travail égal, on pourra avoir dans un cas à peu près zéro rémunération/succès, ou alors être un best-seller et gagner des millions.

Dans le cas de la publication par un éditeur, les chances de succès viennent du fait de réussir à convaincre d’une part le public (qui doit acheter l’œuvre) et d’autre part une forme d’« élite littéraire » (d’abord l’éditeur qui décide de publier le livre ou pas, et quel éditeur, puis éventuellement les critiques, les jurys, etc.). Dans l’auto-édition, il s’agit là uniquement de convaincre le public d’acheter l’œuvre. Dans le financement participatif, il s’agit de convaincre la portion la plus enthousiaste de ce public de donner de l’argent régulièrement.

Certes, cela se fait peut-être plus sur des bases de rapport à la personne et moins uniquement sur l’œuvre (même si ce n’est jamais complètement uniquement sur l’œuvre). Cela dit, je ne pense pas que cela en fasse quelque chose de fondamentalement plus injuste et qu’il y ait une forme de pureté de la qualité littéraire. Il me semble qu’au final il s’agit juste de « classements » sur des bases un peu différentes mais au final toutes aussi arbitraires les unes que les autres, qui demandent toutes un mélange de chance et de travail (pour produire un texte étant reconnu comme « littéraire », pour produire un livre « vendeur » , pour construire et garder de bonnes relations avec des éditeurs amis, ou pour apparaître comme quelqu’un de « cool » et qu’il faut soutenir). Le financement participatif est sans doute plein de défauts, mais je pense qu’il peut au moins avoir l’avantage, en suscitant l’adhésion d’une communauté, même restreinte, de permettre le financement de projets ou la rémunération d’auteurs et d’autrices qui sont situé·e·s sur des thématiques qui seraient trop spécifiques pour toucher un public large (du moins pour celles et ceux qui ne bénéficient pas de l’autre levier potentiel qui est la reconnaissance littéraire, mais qui, elle aussi, est plus difficilement accessible pour des groupes minorisés).

Une dévalorisation de la qualité littéraire

Un autre reproche souvent fait à l’auto-édition (et également sous sa forme de financement participatif), c’est la dévalorisation de la qualité littéraire. J’avoue que je ne suis pas sensible à cet argument, et que je ne vais pas m’étaler dessus, parce que je pense que la notion de « qualité littéraire » est assez arbitraire et subjective, et qu’elle correspond plus aux codes de bon goût d’une certaine élite. Après, je pense que le fait de chercher la popularité entraîne des risques de vouloir s’adapter et produire quelque chose de « calibré » pour que ça marche auprès du public ; mais on pourrait dire la même chose lorsqu’il s’agit de vouloir produire des textes étant considérés comme ayant une « haute valeur littéraire », et capables de plaire à la (bonne) critique et de remporter des prix prestigieux.

Au final, je pense que cette situation est l’énième itération d’une sorte de conflit dans la culture, c’est-à-dire qui détermine quelles œuvres sont bonnes ? Le vote du public ? Des critiques ? Des académiciens ? Des éditeurs ? Des libraires ? Je ne pense pas qu’elle soit complètement inintéressante, parce que ça permet aux lecteurs et lectrices de découvrir des livres (si je fais confiance à un éditeur/une librairie/un·e critique, je peux acheter presque les yeux fermés le livre recommandé même si je ne connais pas, en sachant que je vais avoir des chances de l’apprécier), mais je pense que c’est des choses qui évoluent « naturellement » et qui commencent à exister pour l’autoédition (avec par exemple des blogueu·r·se·s littéraires et autres booktubeu·r·se·s qui, qui sait, seront peut-être l’élite littéraire d’après-demain).

Un modèle capitaliste qui va envoyer des gens au chômage ?

Parmi les reproches faits à l’auto-édition et au financement participatif, il y a aussi le fait qu’il s’agit de participer à un système prédateur et capitaliste, qui donne la part belle à Amazon, et qui met en péril tous les métiers de la chaîne du livre que sont les éditeurs, distributeurs et libraires.

Bon, tout ceci n’est pas entièrement faux, mais je trouve que c’est un peu idéaliser l’industrie « classique » du livre : Hachette et la Fnac ne sont pas moins capitalistes qu’Amazon. On met toujours en avant les petites librairies, sans dire que les ventes de livres papiers passent beaucoup par des grandes surfaces spécialisées (Fnac, Furet du Nord) ou pas (Carrefour, Auchan). À l’inverse, dans ce débat on mentionne rarement que si les petites librairies ont du mal à survivre, ce n’est peut-être pas tant à cause de l’auto-édition qu’à cause des augmentations des prix des loyers.

Par ailleurs, en soi l’auto-édition n’est pas spécialement incompatible avec la librairie : une librairie peut très bien vendre des livres papier auto-édité·e·s, et un service indépendant de vente de livres numériques (bref, une librairie numérique) peut très bien accepter les ebooks d’auto-édité·e·s ; si elles ne sont pas très chaudes ou ne font pas d’efforts pour le faire, ce n’est pas vraiment la faute des auto-édité·e·s.

Même pour les éditeurs, ce n’est pas en soi complètement incompatible avec l’auto-édition : souvent, les auteurs et autrices qui s’auto-éditent le font parce qu’ils/elles n’ont pas trouvé d’éditeurs, et sont rarement complètement fermé·e·s à l’idée de signer un contrat avec un éditeur qui propose des dispositions correctes. Le problème principal de ce côté-là, c’est peut-être que d’avoir l’auto-édition comme alternative peut permettre à des auteurs et autrices d’être un peu plus exigeantes sur ce que « conditions correctes » peut vouloir dire.

Et encore, je ne serais pas si optimiste là-dessus. Au contraire, j’envisage très bien des éditeurs mettre en avant qu’un·e écrivain·e a déjà gagné un peu d’argent grâce à son Tipeee ou Patreon comme argument pour donner une rémunération dérisoire (*tousse* Glénat *tousse*).

Après, je pense que les éditeurs peuvent permettre des choses positives que le financement participatif et l’auto-édition ne permettent pas vraiment, en tout cas sous leurs modèles actuels. Idéalement, un éditeur peut permettre de sortir un peu de l’individualisme, en permettant à un·e écrivain·e pas connu·e de « percer » un peu, en profitant du succès d’une œuvre pour remettre en avant une autre qui était passée inaperçue (ou pour financer la sortir d’un livre pas rentable), en aidant un·e écrivain·e à « s’améliorer », etc. De même, les librairies indépendantes peuvent mettre en avant des livres un peu plus confidentiels qui ne seraient jamais mis en avant sur Amazon ou la Fnac, et se servir des ventes des best-sellers pour inviter et donc donner une chance à des auteurs et autrices peu connu·e·s.

C’était mieux avant ?

Ceci étant dit, je pense qu’il y a certainement des choses à repenser un peu dans l’auto-édition, d’autres qui évolueront dans les années à venir (pour le meilleur ou pour le pire), mais je pense qu’on ne peut quand même pas ignorer un fait, c’est que si des auteurs et autrices se tournent vers ces solutions pour gagner de l’argent, c’est quand même en bonne partie parce que la « chaîne du livre » ne permet pas aux auteurs et autrices de gagner leur croûte. Je doute que l’auto-édition ou le financement participatif permette à une majorité d’écrivain·e·s de le faire, mais ça complète un peu, et en tout cas c’est une piste qui est explorée pour ces raisons, de même que des gens deviennent chauffeurs Uber ou livreurs Deliveroo parce qu’ils ne trouvent pas de boulot.

La multiplication de moyens de gagner un peu d’argent avec ses « créations » (le terme « travail » est rarement utilisé) pour compléter un salaire pas mirobolant ou des allocations qui le sont encore moins (en espérant faire partie des quelques élu·e·s — toujours ceux et celles mis·e·s en avant, évidemment — qui pourront en vivre confortablement) s’inscrit dans l’air du temps. Si, lorsqu’on parle de l’auto-édition, du financement participatif pour la culture, etc., on discute beaucoup de l’impact (positif ou négatif) sur l’Art ou la Littérature, je pense que c’est au final une question assez secondaire par rapport à la manière dont ça s’inscrit dans une évolution des rapports au travail, qui vise un peu à transformer tout le monde (ou le maximum de personnes) en auto-entrepreneurs/« indépendants » précaires, où c’est chacun·e pour sa pomme dans sa galère, avec le rêve qu’on fera peut-être partie de la poignée d’élu·e·s qui « réussiront ».

Pour autant, je pense qu’il ne faut pas tomber dans le piège d’idéaliser les modèles précédents, alors que c’est la faillite de ceux-ci qui a conduit autant de personnes à se tourner vers ces solutions (au niveau de l’écriture, le modèle de l’édition traditionnelle, mais on peut parler plus généralement du chômage de masse et de la précarité généralisée).

 Faut-il pouvoir vivre de son art ?

Je pense par ailleurs qu’il faut faire attention avec la revendication de « pouvoir vivre de son art » . Certes, il est plus que légitime que des aut·eur·rice·s ou autres « artistes » veuillent avoir les moyens d’une existence décente et cherchent par conséquent à tirer des revenus de leurs créations, dans un monde porté par le paradoxe du chômage de masse mêlé à la volonté des patrons de faire travailler leurs employé·e·s plus et plus longtemps. Cependant, je pense qu’il faut faire attention à ne pas tomber dans le piège de l’Artiste situé en-dehors du monde (et en particulier en dehors de la catégorie des travailleur·se·s), et, dans un monde idéal, je pense surtout qu’il faudrait que le travail nécessaire au fonctionnement de la société soit mieux réparti entre tou·te·s, pour laisser à chacun·e la possibilité de créer, sans qu’il y ait nécessairement besoin de le monétiser pour pouvoir survivre. À ce sujet, je vous invite d’ailleurs à lire l’article récent de Tanx, portrait de l’artiste en travailleur.

D’un côté, il faut bien admettre que le mantra que je voyais beaucoup quand je commençais à écrire, « de toute façon peu de personnes vivent de l’écriture, la plupart ont un travail à côté »[3], ne marche plus lorsqu’il n’y a plus de travail à côté[4] ; de l’autre, le message que je vois beaucoup chez les auto-édité·e·s, qu’on pourrait résumer à « quand on veut, on peut, et à force d’acharnement on peut avoir du succès et devenir patron à la place du patron » est complètement illusoire et ne donne l’impression de marcher que parce qu’on met en avant les quelques success-stories et jamais les échecs, pourtant beaucoup plus nombreux. Dans tous les cas, ceux pour qui ça marche vraiment, c’est Amazon, Lagardère, Kickstarter et compagnie, bref ceux qui se nourrissent et exploitent sur le rêve de « peut-être que si tu t’acharnes, tu réussiras ».

Au niveau individuel, on en est souvent réduit·e à choisir le moins pire pour soi, mais je pense important d’essayer de conserver une certaine lucidité sur le fait que dans tous les cas c’est un système qui est loin d’être idéal, et est au contraire profondément injuste et inégalitaire. Dans ce grand jeu de roulette (truqué, puisque tout le monde n’a clairement pas les même chances), plutôt que d’espérer croire qu’on fera partie des Élu·e·s si on s’acharne suffisamment et si le Destin nous sourit, il me paraît plus sain (et mathématiquement plus efficace, d’un point de vue probabiliste) d’œuvrer pour renverser la table et construire autre chose.

Notes

[1] Même si l’on trouve parfois des livres que personne ne semble avoir aimé mais que tout le monde a l’air d’avoir lu.

[2] Le financement participatif peut aussi être utilisé par des éditeurs (et est au final une version modernisée de la souscription), mais je parle ici d’auteurs ou autrices qui font appel au financement participatif directement, sans passer par un éditeur.

[3] Qui est tout de même bien pratique pour camoufler le fait que pendant ce temps certains vivent, et pas si mal, du travail des autres.

[4] En particulier, de travail permettant de gagner un salaire correct tout en ayant le temps et l’énergie d’écrire à côté, ce qui implique de ne pas rentrer lessivé·e après sa journée de travail, ou de ne pas devoir enchaîner 70h de conduite dans la semaine pour gagner l’équivalent d’un SMIC.


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Retour d'expérience : mon « processus » de correction/relecture

, 20:40

On m’a parfois demandé comment je m’y prenais pour faire la relecture et la correction de mes textes, et vu que je suis justement dans ce genre de phase pour l’épisode 3 de La chair & le sang, je me suis dit que c’était le bon moment pour faire un billet sur ce sujet (pas du tout pour procrastiner un peu au milieu d’une relecture).

Je ne prétends pas qu’il s’agisse ici de conseils à suivre, ni d’ailleurs d’une sorte de recette que je suis systématiquement, plutôt plus des notes sur une façon de fonctionner qui correspond plus ou moins à ma façon de faire la plupart du temps.

Remarque : je parle ici de la relecture et correction de mes propres textes. Même s’il y a des points communs, il y a aussi certaines différences lorsqu’il s’agit de relire ou corriger un texte écrit par quelqu’un d’autre.

Étape zéro : pendant l’écriture

Pendant l’écriture même d’un texte, je ne me fixe pas d’objectifs particuliers en terme de relecture et de correction : l’objectif, à ce moment-là, est d’arriver au bout du premier jet, pas de commencer à faire de la relecture (ça, ça vient après).

Cependant, il peut m’arriver de relire un chapitre, ou l’intégralité de ce que j’ai écrit pour l’instant, pour me remettre dans le bain. Dans ce genre de cas, évidemment, si je vois des fautes ou des coquilles, je ne me prive pas de les corriger, mais ce n’est pas l’objectif principal à ce stade.

Première étape : juste après avoir fini le premier jet

Après avoir terminé le premier jet de mon récit, j’aime bien le relire dans son intégralité. Il s’agit pratiquement ici d’une lecture « de plaisir », pour voir à quoi l’œuvre ressemble ; mais il s’agit aussi de corriger les fautes et coquilles que je vois, et éventuellement de noter des modifications à apporter sur le fond (« tel chapitre est-il vraiment indispensable ? », « il manque une explication à tel moment », « ce passage n’est pas très clair », etc.). Pour plus tard. Parfois, je suis très motivée et je fais certaines modifications tout de suite… et en général, j’attends plus tard, d’être à tête plus reposée sur ce texte.

Deuxième étape : oublier le texte

Ensuite, je m’efforce d’oublier le texte. Autrement dit, je le range dans un tiroir, et je passe à autre chose.

La durée de cette période varie un peu selon les textes : parfois, ça peut être plus d’une année, parfois à peine quelques semaines, mais j’essaie (maintenant, en tout cas) de ne pas publier le texte immédiatement.

Il y a des exceptions : la première version de Dykes VS Bastards, par exemple, a été publiée juste après le premier jet terminé (avec juste la première relecture), mais il s’agit d’une nouvelle, plus ou moins liée à de l’actualité. Pour les épisodes de La chair & le sang, ce délai est aussi relativement court, avec autour de deux mois seulement de repos pour les épisodes 2 et 3. Mais pour les romans, en général, c’est au moins six mois.

Troisième étape : une première relecture

Cette étape se fait donc une fois que le texte est plus ou moins oublié, et que je le redécouvre donc avec un regard (plus ou moins) neuf.

En dehors du fait qu’elle est à froid et pas à chaud, elle est assez semblable à la première étape : lire, corriger les fautes qu’on voit, les choses qui ne vont pas qu’on peut corriger tout de suite, et noter s’il y a des changements un peu plus importants à faire, des soucis de cohérence, etc.

Étape 3 bis : faire des corrections de fond

Cette étape n’est pas systématique, mais lorsque j’ai noté des corrections de fond à apporter (suppression d’un paragraphe ou d’un chapitre, ajout de passages, modifications de certains, modifier le caractère d’un personnage, etc.), il s’agit maintenant de les intégrer concrètement au texte existant. Ou, parfois, de réaliser que ce n’est pas forcément une bonne idée, et d’appliquer d’autres modifications à la place, ou occasionnellement de réaliser qu’une telle modification déséquilibrerait l’œuvre (ou, hum, demanderait beaucoup trop de travail) et qu’il vaut mieux laisser le texte tel quel.

Dans ce cas, on retourne ensuite à l’étape 3, pour refaire une relecture sur la nouvelle œuvre, qui a quand même pas mal été modifiée.

Quatrième étape : les outils informatiques

Ici, il s’agit d’utiliser des outils informatiques de correction gramaticale pour repérer des fautes que je n’aurais pas vues moi-même. Et, éventuellement, de mettre en avant des répétitions pour voir si elles sont vraiment nécessaires. En pratique, j’essaie de mettre systématiquement un coup de correcteur grammatical à un moment, et je me sers rarement d’un détecteur de répétitions.

Pour information, les outils que j’utilise sont LanguageTool pour la correction grammaticale (j’aimerais aussi passer un coup de Grammalecte, qui ne repère pas forcément les mêmes fautes, mais je ne le trouve pas simple à mettre en place avec les autres logiciels que j’utilise), et Caribon (que j’ai développé) pour détecter les répétitions.

Cinquième étape : le peaufinage

Une fois la grande majorité des fautes débusquées, on ne devrait normalement pas en repérer beaucoup de nouvelles (même si, ça, c’est la théorie… en pratique, c’est aussi le moment où on peut se rendre compte qu’il en reste pas mal, auquel cas… retour à l’étape trois). Cette étape permet donc de repérer les autres problèmes : soucis typographiques, répétitions, mots qui ne sonnent pas très bien et pourraient avantageusement être remplacés par un synonyme, mots qui sont parfois mis en italiques et parfois non (par exemple, dans ma correction actuelle, j’ai harmonisé les utilisation de « skinhead » et de « skinhead »), un paragraphe qui gagnerait à être séparé en deux ou au contraire deux paragraphes qui gagneraient à être fusionnés, est-ce qu’une phrase n’est pas un peu trop longue, etc.

Évidemment, on peut répéter cette étape plusieurs fois, mais comme disait George Marchais, « il faut savoir arrêter la relecture ».

Étape facultative : la lecture à haute voix

Je trouve que l’idéal pour vérifier qu’un texte sonne bien est d’essayer de le lire à haute voix. En pratique, je ne le fais pas systématiquement, surtout pour les romans, parce que c’est long et pas toujours pratique (parce qu’on a un appartement mal insonorisé et qu’on fait ça à deux heures du matin, parce qu’on est avec des gens, etc), mais j’essaie de le faire au moins pour les passages sur lesquels j’ai un doute.

Autres « astuces » supplémentaires

Pour finir, voici quelques petites « astuces » que je m’efforce de suivre lorsque j’en suis à l’étape de relecture.

  • Relire sur des formats différents : les mots ne seront pas au même endroit, peut-être pas la même police, comme ça le cerveau a moins tendance à se dire « Ok, ça je connais déjà » et à survoler. En pratique, j’essaie au moins de faire une relecture sur liseuse et une sur PDF. Idéalement, une relecture sur papier, même si sans imprimante et à une une bonne demi-heure de la boîte à copie la plus proche, ce n’est pas toujours évident (et ça revient vite cher pour des romans). Ça permet aussi de repérer des erreurs de mise en page qui n’apparaissent que dans le PDF, ou que dans la version liseuse.
  • Se forcer à lire doucement. Parfois, quand je lis, je suis emballée par un passage et j’ai envie de connaître la suite. C’est bon signe, parce que ça veut dire que ce passage me plaît au moins à moi, mais pour trouver des fautes, ce n’est pas l’idéal. Un autre avantage de la lecture à haute voix, au passage.
  • Se forcer à faire des pauses au milieu de la relecture : débusquer les fautes est une tâche assez ennuyeuse, sur laquelle il est dur de rester efficace quand on y passe quatre heures d’affilée. Parfois, il est donc pas mal de se forcer à faire des pauses plutôt que de tout enchaîner d’une traite (comme en écrivant un billet de blog au milieu).
  • Se forcer à faire des pauses entre deux relectures : je peux rarement me permettre de laisser mon texte reposer trois mois entre chaque étape de relecture, mais j’essaie quand même de laisser quelques jours. Relire deux fois le même texte dans la même journée, c’est à la fois assez fastidieux et pas très efficace, parce qu’à ce niveau on le connaît presque par cœur.

 

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Retour sur "Enfants de mars et de Vénus" #2 : Lev, grosse butch fantastique

, 14:28

Dans les épisodes précédents

enfants-mini.png J’ai écrit un livre, Enfants de Mars et de Vénus, un polar fantastique paru le 23 février dernier aux éditions Dans nos histoires. Il peut être acheté en librairie ou commandé directement sur le site de l’éditeur pour le prix de 12€. Si c’est trop cher ou que vous voulez regarder à quoi ça ressemble avant, le livre peut être également être lu gratuitement dans son entièreté, également sur le site de l’éditeur.

Suite à ça, j’ai décidé d’écrire quelques articles de blog pour revenir sur l’écriture de ce livre. Dans le précédent, Alys et les clichés trans, j’expliquais comment j’avais eu l’idée du personnage d’Alys, sorcière trans dans un monde fantastique ; mais que, même avec cette idée de protagoniste et un début d’intrigue en tête, j’avais ensuite eu un blocage.

Le problème

Rétrospectivement, je pense que le problème était qu’Alys jouait le rôle du personnage mystérieux et un peu « barré », et que je voulais absolument lui mettre dans les pattes un personnage jouant le rôle de la « raison », et aussi du personnage plus « normal » auquel un lecteur lambda est censé pouvoir s’identifier plus facilement. Par ailleurs, comme il s’agit d’un univers fantastique, où le surnaturel s’immisce dans le monde réel, ce personnage avait aussi pour fonction de douter. Le résultat, c’est que c’était chiant, et que ce personnage était juste un boulet à l’intrigue. Certes, il ou elle (suivant les versions) avait les réactions à peu près normales qu’une personne à peu près saine d’esprit devrait logiquement avoir dans ces circonstances ; le problème, c’est que ça nuisait au dynamisme de l’histoire, puisqu’en général, en tant que lecteur ou lectrice, on a envie de découvrir l’intrigue et le mystère, pas qu’un des protagonistes fasse tout pour l’éviter. Ça n’allait pas du tout avec l’esprit du roman, bref c’était un peu nul.

Le personnage auquel le lecteur lambda peut s’identifier

Ce qui m’amène à faire une petite parenthèse sur cette idée qu’il faut absolument que l’histoire soit racontée du point de vue d’un personnage auquel le lecteur lambda puisse s’identifier, et surtout pas du personnage un peu hors-norme. L’idée, en gros, c’est que le lecteur découvre les choses en même temps que le personnage. Ça n’est pas forcément nocif : par exemple, que les romans Sherlock Holmes soient racontés du point de vue de Watson n’est pas gênant et, au contraire, je pense qu’on peut argumenter que ça marche à peu près bien. Et parfois, c’est moins réussi, ça rajoute des personnages un peu inutiles (comme le personnage de l’agent du FBI dans l’adaptation en film d’Hellboy, qui a d’ailleurs disparu dans le 2), mais bon, ce n’est pas dramatique.

Le problème, c’est que « lecteur lambda », ça vient avec son lot de suppositions : déjà, j’ai mis au masculin, mais en général ça va aussi être calibré pour quelqu’un de blanc, d’hétérosexuel, cis, etc. Et donc, lorsque l’on parle de thématiques LGBT, il y a toujours cette tendance à vouloir avoir un protagoniste un peu en dehors de ça pour que l’histoire reste accessible aux « gens normaux ». Parce que voilà, le problème de ce procédé narratif dans ce genre de cas, c’est que quand c’est appliqué par exemple pour des thématiques LGBT, ça renvoie vite le message, au final, qu’il y a la norme straight d’un côté et les bizarreries LGBT de l’autre qu’il faut impérativement expliquer aux gens normaux.

(Évidemment, on peut jouer là-dessus. Par exemple, dans Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires), Cassandra joue ce rôle de personnage « normal », qui n’est ni une vampire, ni une louve-garou, ni une sorcière, et découvre plus ou moins cet univers en même temps que le lecteur ou la lectrice. Dans ce cas, je trouvais intéressant de faire notamment de sa transidentité, non pas un élément de « bizarrerie », mais justement quelque chose qui ancrait le récit dans le monde réel par rapport aux éléments surnaturels.)

Quand j’avais ce projet en tête, ce n’était pas quelque chose que je me disais consciemment, en mode « il faut un héros hétérosexuel et cis plus ou moins normal pour faire en sorte que le lecteur ne soit pas trop rebuté par la thématique trans » ; mais c’était quelque chose qui était forcément dans un coin de ma tête et qui venait de la façon dont ce genre d’histoires est souvent structuré.

Le fantastique

Un autre problème avec le(s) personnage(s) « point de vue » que j’avais en tête à la base, c’est le rapport au fantastique, c’est à dire à l’immersion du surnaturel dans le monde réel. Le problème de mettre un personnage ayant des réactions à peu près « normales » dans ce genre de cas, c’est que, forcément, on passait beaucoup de temps à se demander « est-ce que c’est réel ou pas ? comment est-ce possible ? est-ce que le personnage est en train de sombrer dans la folie ? ». Certes, c’est un peu la base du fantastique, mais autant s’attarder sur ce genre de considérations marche bien pour un roman d’horreur, autant pour quelque chose à la tonalité un peu plus rock’n roll, c’est moins adapté. Or, Enfants de Mars et de Vénus est quand même moins inpiré de Lovecraft que de Doom (à qui il doit d’ailleurs en partie son titre).

Lev

Et puis, un jour, j’ai eu l’idée du personnage de Lev, une grosse butch plutôt bourrine, qui n’a pas peur de grand-chose, a une tendance au doute assez limitée et, même quand c’est le cas, qui est plutôt « dans le doute, on n’a qu’à cogner » que « est-ce que tout ça est bien réel ? ». J’ai commencé à écrire quelques bouts de texte avec elle, et je l’ai faite interagir avec Alys, à la base juste pour une nouvelle et sans me dire que j’allais l’utiliser pour ce projet-là. Sauf que j’ai réalisé tout de suite que ça marchait super bien et ça m’a complètement débloquée.

Du point de vue de l’autrice, ce qui était super cool avec Lev, c’est qu’elle avait une « voix » assez forte, ce qui permet de donner le ton tout de suite. Évidemment, ça ne règle pas tous les problèmes de construction d’intrigue, mais avec juste quelques lignes je savais tout de suite à quoi l’histoire allait ressembler, pas juste dans ce qu’elle racontait (je savais déjà, bien avant, ça que je voulais une enquête avec de la sorcellerie où les thématiques trans avaient une certaine importance), mais surtout comment elle allait être racontée, et à quoi elle pourrais ressembler, non pas dans ma tête, mais une fois couchée sur papier.

Un côté plus personnel

Je n’aime pas trop donner de détails sur ma vie privée, mais je pense que c’est dur de parler de Lev sans dire que c’est sans doute un des personnages que j’ai écrits dans lequel je me projette le plus, qui m’a en partie permise de me construire (et je ne prétends pas qu’elle était forcément une bonne influence, notez bien). Je pense que si elle a eu un aspect aussi libérateur sur l’écriture de ce roman, c’est aussi pour ça. C’est dur de vraiment décrire sans rentrer dans les détails, mais disons qu’elle m’a permis de lever des barrières que j’avais dans ma tête, et de m’autoriser des choses que je ne m’autorisais pas.

Un roman qui devient « communautaire »

Bref, l’irruption de Lev réglait un peu tous les problèmes que j’avais pour écrire ce roman. Sauf qu’évidemment, avec un personnage qui correspond un peu à tous les clichés qu’on peut avoir en tête quand on entend le mot « gouine » (plus peut-être quelques autres auxquels on ne pense pas forcément), l’idée d’avoir un personnage auquel le lecteur « lambda » peut s’identifier, c’était un peu mort.

À l’inverse, ça devenait tentant de jouer aussi un peu sur les clichés dans les représentations sur les lesbiennes dans la fiction : psychopathe, prête à trahir son amante à la moindre occasion, et (comme pour les personnages de meuf trans) avec une tendance à mourir avant la fin de l’histoire.

Le problème d’être en dehors des clous

Il y a eu ensuite Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires), qui reprenait les mêmes ingrédients, mais à l’époque, ça n’allait pas de soit, pour moi, d’écrire un roman qui soit à ce point « communautaire ». C’était une période où, après avoir publié des textes en ligne de manière complètement gratuite, j’envisageais plutôt de passer par un éditeur, et je savais qu’un bouquin qui parlait aussi frontalement de ces thématiques n’allait pas être simple à « vendre ».

Même maintenant, ça m’arrive de me demander si je n’aurais pas plus de « succès » (à supposer que le terme veuille dire quelque chose en soi) si je faisais des choses un peu plus calibrées, qui correspondent un peu plus aux codes des genres (littéraires) tels qu’ils existent actuellement. Et en même temps, je repense au bien que ça m’a fait d’écrire ce genre de personnage, et je me dis que si des personnes peuvent ressentir 10% de cet effet, ben ça vaut le coup, et quelque part c’est plus important et ça a plus de sens que d’écrire un énième roman de fantasy avec un élu qui sauve le monde de la prophétie.

Bref

Bref, tout ça pour dire que je suis contente qu‘Enfants de Mars et de Vénus soit enfin sorti, et que les personnages d’Alys et de Lev soient enfin publics, surtout que j’ai un rapport assez particulier avec cette dernière.

J’en profite pour rappeler que je serai présente à la librairie Terre des livres à Lyon pour parler un peu autour de ce livre (et éventuellement pour des dédicaces, il paraît que c’est quelque chose qui se fait). La veille (le 21 avril, donc), je serai également présente à l’émission de radio On est pas des cadeaux sur Radio Canut 102.2 FM.

Auto-édition et sociétés de perception (ou : petites magouilles au nom du droit d'auteur)

, 14:37

Il y a quelques temps, je m’étais demandé comment ça se passait, pour des livres auto-édités, pour les bibliothèques. Et aussi, tiens, comment ça se passe pour l’argent de la taxe « le photocopillage tue le livre » dont je vois la petite affichette à chaque fois que je vais imprimer des fanzines ?

Avant de commencer, je vais être honnête : je trouve toutes ces structures différentes un peu incompréhensibles et j’ai tendance à m’y perdre, donc il n’est pas impossible que je dise des conneries. Mais en même temps, j’ai peu vu d’articles là-dessus, donc je me disais que ça valait le coup de faire un petit billet de blog récapitulatif de mes recherches, même si c’est parfois un peu approximatif.

Le prêt en bibliothèques

Commençons par le prêt en bibliothèques, parce que c’est le sujet sur lequel j’ai eu le moins de mal à trouver des informations, notamment grâce au site de l’ENSSIB (École Nationale Supérieure des Sciences de l’Information et des Bibliothèques), qui propose une fiche pratique récapitulative sur le droit de prêt en bibliothèque.

Grosso-modo, il y a une contribution à la fois par l’État, en fonction du nombre d’inscrit·e·s dans les bibliothèques, et directement au moment de l’achat, sur le prix de vente du livre. Tout cet argent est ensuite donné à la Sofia, qui le redistribue à égalité entre auteurs et éditeurs (avec aussi une partie pour financer des actions culturelles).

La Sofia

La Sofia, c’est la « Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ». En tout cas, c’est comme ça qu’elle se présente, ce qui masque un peu le fait qu’elle est administrée à parité par les auteurs et les éditeurs. C’est elle qu’on va retrouver pour les différents revenus dont je vais parler dans cette article, puisqu’en plus de gérer l’argent venant des bibliothèques, c’est aussi elle qui est chargée des fonds provenant de la copie privée numérique, de la reprographie, et aussi (plus maintenant que ça a été retoqué, je suppose)… de ReLIRE, grand projet qui défend les intérêts des auteurs de l’écrit.

Quid des auto-édité·e·s ?

Du coup, vu que la Sofia est la « Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit », on pourrait s’attendre à ce que ça inclut assez logiquement les auteurs et autrices auto-édité·e·s de l’écrit. Non ?

Visiblement, non. Avec le bémol que leur formulation est peu claire, mais au moins pour le droit de prêt en bibliothèque, c’est définitivement non.

Dans la section Comment adhérer à la Sofia ?, on peut en effet lire :

Peut adhérer à Sofia tout auteur d’un ouvrage publié à compte d’éditeur, ou d’un article dans un périodique, ou d’une œuvre diffusée sur un site Internet, ou d’une contribution significative à une œuvre ou à un programme multimédia.

(On notera que, vu comme c’est formulé, ça laisserait entendre que le critère « à compte d’éditeur » ne s’applique pas, par exemple, aux « œuvres diffusées sur un site Internet » ; cependant, les formulaires d’inscription pour auteur requièrent tous de préciser un éditeur, et ceux pour éditeur de donner copie d’un contrat d’édition.)

Leur foire aux questions est un peu plus claire pour ce qui concerne les bibliothèques :

Sont exonérés de la rémunération au titre du droit de prêt :

les revues, magazines, abonnements…,

les ouvrages soldés en totalité par les éditeurs,

les livres anciens et les livres d’occasion,

les livres édités ou auto-édités vendus par leurs propres auteurs.

Cela dit, c’est encore une fois sur le site de l’ENSSIB qu’on trouvera une réponse plus claire sur ce que cela implique : les livres auto-édité·e·s étant exclus de cette rémunération, ça veut dire qu’il faut l’accord de chaque auteur ou autrice si une bibliothèque désire proposer ce livre. Il n’est pas possible (du moins en théorie) de se contenter de simplement l’acheter en librairie, car l’autrice ou l’auteur pourrait s’opposer à la présence en bibliothèque.

En pratique, ça veut dire que les livres auto-édités font partie des nombreuses choses que les bibliothèques doivent proposer dans un flou juridique, voire dans l’illégalité, comme par exemple pour le jeu vidéo.

Les conséquences pour la culture

Évidemment, en tant qu’autrice passant (en partie) par l’auto-édition, je ne dirais pas non si je pouvais gagner quelques euros de plus. Cela dit, vu que même pour mes livres publiés à compte d’éditeur, je n’ai pas pris la peine de m’inscrire à la Sofia, car avant de toucher la moindre somme il faut d’abord que la Sofia prélève ses 38€ à elle et que je doute que mes livres aient récolté plus que ça en bibliothèques, ce n’est pas non plus ce qui me chagrine le plus.

Par contre, les conséquences pour l’accès à la culture sont tout de même assez gênantes : ça veut dire que, si elles veulent respecter la loi, les bibliothèques ne peuvent pas avoir de livres auto-édités sans l’accord de l’auteur. Donc, qu’un auteur auto-édité peut choisir d’empêcher la diffusion de ses livres de manière accessible à tout le monde. Quand on sait que l’auto-édition monte quand même pas mal, et qu’il y a des domaines plutôt délaissés par les éditeurs où ne pas avoir d’œuvres auto-édités revient à supprimer de larges pans de ce domaine, c’est quand même « un peu » embêtant.

(Accessoirement, je ne sais pas vraiment comment la ou le libraire ou le ou la bibliothéquaire est censé·e deviner ce qui fait l’objet d’un contrat d’édition ou pas. Par exemple, rien ne m’empêcherait d’éditer une copine signant sous le pseudo « Micheline Tartempion » en signant avec elle un contrat d’édition ; tout comme rien ne m’empêche d’écrire un livre sous le pseudo « Micheline Tartempion » et de l’auto-éditer. Les deux livres seront a priori tout à fait identiques, sauf que dans un cas il y a un contrat d’édition et pas dans l’autre.)

Quid du prêt numérique ?

Pour ce qui est du prêt de livres numériques… je vais préférer m’abstenir pour l’instant, la situation me semblant encore plus compliquée et encore en cours d’évolution. Je me contenterais de dire que, pour l’instant, j’ai l’impression que ça profite surtout à des entreprises privées qui vendent des solutions de verrou numérique pour pouvoir fliquer les utilisateurs et utlisatrices, mais pour ce qui est des auteurs et autrices là-dedans, et qui plus est auto-édité·e·s, je n’ai aucune idée de comment ça marche.

Les droits de reprographie et de copie privée numérique

Passons maintenant à la taxe sur la reprographie, que vous payez quand vous faites des photocopies, et celle sur la copie privée numérique, que vous payez quand vous achetez un disque dur.

Parce que bon, autant pour le droit de prêt en bibliothèques, les auto-édité·e·s se retrouvent exclu·e·s de la rémunération parce que leurs livres sont exclu·e·s des bibliothèques (à moins d’accord direct avec l’auteur), autant là il s’agit de compenser un « manque à gagner » qui cible a priori autant les auto-édité·e·s que les autres. Donc on pourrait trouver logique que les auto-édité·e·s aient droit à la rémunération, non ?

Évidemment, non, c’est encore la Sofia qui récolte les droits pour le livre, et celle-ci n’accepte (on l’a vu) pas l’inscription d’auto-édité·e·s

Cela dit, si la situation ne vous semblait pas assez complexe, notons que la Sofia ne gère pas tous les droits liés à la reprographie : c’est en fait le CFC (Centre Français d’exploitation du droit de Copie) qui récupère les sommes, et reverse à la Sofia les « sommes non documentées ». Pour les sommes « documentées », on peut passer directement par le CFC. On ne trouvera aucune mention d’auto-édité ou d’auto-édition sur leur site, et en lisant la page « apporter ses droits » on comprend que contrairement à la Sofia, chaque éditeur doit s’inscrire individuellement pour apporter ses droits, et que ce versant là de la rémunération ne concerne (si j’ai bien compris) qu’une autorisation pour des entreprises à reproduire ces œuvres en interne.

En tout cas, ce système est très sympathique, et montre bien ces sociétés de perception et répartition des droits sont dans une répartition égalitaire : en tant qu’autrice précaire, non seulement je ne peux rien toucher sur mes textes auto-édités, mais en plus je dois payer quand je les imprime au format fanzine pour que ça aille dans la poche de Guilllaume Musso[1].

Et pour les lectures ?

Je n’avais, à la base, pas prévu de parler des lectures, mais une polémique récente à propos des droits concernant les lectures m’a fait m’intéresser un peu au sujet. Si je comprends bien, c’est un peu le même principe que pour le CFC (du moins la partie qui n’est pas reversée à la Sofia), où des éditeurs peuvent signer un contrat avec la SCELF (Société Civile des Éditeurs de Langue Française) pour qu’elle s’occupe de gérer leurs droits d’adaptations.

Ce qui est amusant, c’est que cette autre société de perception et de répartition des droits d’auteurs, s’est quand même vue vertement critiquer par treize organisations d’auteurs à cause de demandes à la con concernant des lectures publiques.

Pour une autre répartition

Ces sociétés de perception et de répartition des droits d’auteurs sont censés aider les auteurs mais en fait n’en aident qu’une partie et font souvent des trucs dans leur dos. Entre la SCELF critiquée récemment et la fronde des auteurs et autrices contre le projet ReLIRE, dont les droits sont (étaient ?) gérés par la SOFIA, on peut se poser la question de la légitimité de ces structures bureaucratiques dont le fonctionnement est quand même assez opaque, qui ont un statut de droit privé mais une « mission reconnue d’utilité publique sous la tutelle du ministère de la Culture ».

Le fait que les auteurs et autrices auto-édité·e·s soient exclu·e·s de ces « mannes » montre bien, en tout cas, qu’il s’agit avant tout de défendre la perception de l’argent par les éditeurs, et que malgré leurs discours ces sociétés s’intéressent au final peu aux autrices et auteurs.

Alors, certes, on pourrait se contenter de demander l’inclusion des auto-édité·e·s dans ce processus, mais je trouve que ce qui serait encore plus intéressant serait de s’interroger un peu plus en profondeur sur cette répartition. Qu’il y ait une taxe pour la culture quand je fais des photocopies ou que j’achète un disque dur, pourquoi pas, mais je trouve dommage qu’il paraisse aussi inimaginable d’envisager sortir du modèle « au pro-rata », où l’idée est tout de même en général qu’il faut donner de l’argent à ceux qui en gagnent déjà. On s’emmerde à ficher les usages des gens et à limiter la diffusion de la culture (droit de prêt, lectures publiques, …), tout ça pour redistribuer l’argent collecté aux « bonnes personnes », c’est-à-dire, celles qui vendent ; le  tout en empêchant une partie des gens qui produisent des œuvres concernées par ces taxes et collectes d’y avoir accès. Pourquoi ne pas plutôt augmenter la partie consacrée à l’action culturelle, ou encore se servir de cet argent pour financer des services publics, qui profitent à tout le monde, et donc à tou·te·s les auteurs et autrices ?

Ironiquement, une telle proposition (qui aurait sans doute, je le reconnais, un impact négatif sur les quelques auteurs qui vendent le plus, et surtout sur les éditeurs qui vendent le plus) serait sans doute vue comme une atteinte aux fondements du sacro-saint droit d’auteur qu’il faut protéger à tout prix ; beaucoup plus, en tout cas, que lorsque la Sofia le bafoue avec le projet ReLIRE ou lorsqu’elle ne distribue pas les sommes qu’elle récolte à certain·e·s des auteurs et autrices ayant créé les œuvres concernées. Comme quoi, visiblement, le « droit d’auteur » ne mérite d’être défendu que lorsqu’il s’agit, en fin de compte, de droits pour les (gros) éditeurs…

Note

[1] Je n’ai rien contre lui, c’est juste que j’ai tapé « auteur le plus vendu en France ».


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Retour sur "Enfants de Mars et de Vénus" #1 : Alys et les clichés trans

, 13:27

J’ai décidé de faire quelques articles pour revenir un peu sur Enfants de Mars et de Vénus, maintenant qu’il est sorti, à la fois pour prendre le temps de regarder en arrière avec un peu de recul, et éventuellement pour donner une sorte de Making of pour ceux et celles que ça intéresserait.

Enfants de Mars et de Vénus

enfants-mini.png Mais avant d’en parler, rappelons tout de même qu‘Enfants de Mars et de Vénus est un polar fantastique. Le livre est paru le 23 février dernier aux éditions Dans nos histoires, et peut être acheté en librairie ou commandé directement sur le site de l’éditeur pour le prix de 12€. Si c’est trop cher ou que vous voulez regarder à quoi ça ressemble avant, le livre peut être également être lu gratuitement dans son entièreté, également sur le site de l’éditeur.

Dans cet article je ne spoilerai a priori pas grand chose de l’œuvre, donc si vous ne l’avez pas (encore) lue vous pouvez continuer cet article sans risques :)

Par rapport à Une autobiographie

Le premier jet d‘Enfants de Mars et de Vénus a été écrit en 2008 et 2009, ce qui remonte déjà un peu. Il a donc été écrit avant Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires), même s’il est sorti après. Ça n’a pas forcément une grande importance, mais ça peut être utile pour situer.

Par ailleurs, Enfants de Mars et de Vénus a été écrit juste avant Une autobiographie transsexuelle avec des vampires (dont le premier jet a été écrit entre 2010 et 2011), ce qui explique en partie qu’ils aient certaines thématiques communes (notamment le fait de pas mal parler lesbianisme et transidentité)[1]. L’angle d’approche est sensiblement différemment, l’univers n’est pas le même, il n’y a donc pas de personnages en commun, mais d’une certaine manière on peut voir les deux œuvres comme deux manières différentes de traiter le même thème, tout simplement parce qu’il y avait des idées que j’avais au moment d’écrire Enfants de Mars et de Vénus que je ne pouvais pas inclure dans l’œuvre et qui se sont donc retrouvés dans Une autobiographie.

Je ne vais pas revenir plus en détail sur Une autobiographie (j’avais écrit quelques billets à propos de cette œuvre, sur la politique et représentation, les méchants, et la narration à la première personne). Je ne vais pas non plus faire ici un comparatif détaillé entre ces deux œuvres ; juste admettre qu’elle sont, par certains côtés, assez similaires (pas sur tout, évidemment).

À l’origine, le personnage d’Alys

Mais revenons-en à Enfants de Mars et de Vénus, et à sa « génèse ». Tout a commencé avec l’idée du personnage d’Alys, qui m’est venue en tête quelques années encore avant de commencer à écrire ce roman (ce qui doit nous situer autour de 2005 et ne nous rajeunit vraiment pas). Dès le début, j’avais envie d’écrire sur un personnage trans. À cette époque, je découvrais un peu le militantisme LGBT, et les luttes trans qui commençaient à être un peu plus visibles ; j’avais déjà écrit Pas tout à fait des hommes, qui a comme protagonistes un couple de femmes ainsi qu’un personnage secondaire gay. Je précise qu’à ce moment-là, je pensais juste avoir un personnage trans et pas parler de thématiques trans. La limite peut paraître ténue, mais dans le second cas, ça veut dire que ça a aussi une certaine importance pour l’histoire, alors que dans le premier, pas forcément.

 La découverte des clichés trans

Ce qui a pas mal changé les choses, du moins pour Enfants de Mars et de Vénus, c’est que je me suis intéressée à la représentation des personnages trans dans la fiction. Et, très honnêtement, il n’y avait pratiquement que des clichés et des représentations pourries. Même pour les représentations qui semblaient les meilleures, une rapide recherche révélait plein de critiques, en général quand même assez pertinentes.

Maintenant, il faut dire un mot sur ma façon d’écrire. Globalement (un peu moins maintenant, je trouve, mais beaucoup à l’époque), j’aime bien jouer avec les clichés. Il faut être honnête : c’est assez facile, parce qu’on a plein de matériel de base, et en plus on peut passer pour intelligente à peu de frais : « ah ah, regardez, vous pensez que je vais reproduire un cliché, mais en fait je m’en moque ». J’avais auparavant, dans Pas tout à fait des hommes (et dans le texte précédent situé dans le même univers, l’Énième Prophétie), joué un peu avec les clichés présents dans la fantasy. Le problème, c’est qu’en fantasy, même les détournements ont probablement déjà été vus quinze fois, et j’avais honnêtement un peu l’impression de faire du sous-Pratchett.

Les clichés trans, en revanche, c’était autre chose (et ça l’est toujours). Une tonne de clichés pourris, mais à peu près aucune œuvre qui jouait avec, les critiquait, s’en distanciait. Même pour les représentations de personnages homos ou bis, on trouvait, d’une part des représentations positives (plus maintenant qu’il y a dix ans, certes) et d’autre part des œuvres qui se moquaient des clichés. Là, il n’y avait rien ou presque. C’était une opportunité en or.

(Évidemment, je caricature un peu les choses. Je ne me suis pas dit « oh, sur quelle minorité y-a-t-il des clichés que je pourrais détourner pour devenir riche et célèbre » ; il y avait avant tout une certaine frustration à voir que sur ce sujet, beaucoup d’œuvres de fiction étaient incapables de faire autre chose que de se vautrer dans le cliché dégueulasse.)

Je ne vais pas faire ici une liste détaillée de ce genre de clichés ; voilà tout de même quelques exemples, souvent repris sans sourciller alors que quand on prend la peine d’y réfléchir un peu on peut imaginer des façons de les traiter qui non seulement soient moins pourries d’un point de vue politique, mais aussi qui donnent une histoire à mon avis plus intéressante :

  • le classique : le héros découvre que la meuf qu’il a embrassée est trans, alors il vomit et on est censé compatir avec lui ou se dire « ah, ah, il s’est fait avoir » ;
  • la focalisation sur la « transformation », avec révélation sur l’« avant » ou encore sur le processus de féminisation pour bien montrer que les meufs trans ont une féminité artificielle (la masculinité, elle, étant neutre et naturelle) ;
  • les meufs trans qui veulent « s’approprier la féminité » des femmes, de manière figurée ou façon Le silence des agneaux (œuvre qui, sans trop spoiler, a pas mal influencé Enfants de Mars et de Vénus) ;
  • tout le côté « j’ai un lourd secret à te révéler » ;
  • évidemment, les personnages de meufs trans qui ont tendance à finir par se faire buter.

C’est donc comme ça que la transidentité d’Alys est devenu un élément un peu plus central au récit que ce que j’avais en tête à la base.

L’univers

Cet élément a aussi un peu joué sur l’univers que j’avais en tête. Au tout début, j’avais en tête un univers plus orienté futuriste et science-fiction (mais avec quand même de la magie) ; le fait de donner plus de place à des thématiques un peu sérieuses m’a poussée à ancrer le récit dans un monde plus proche du nôtre. D’autant plus qu’un des clichés sur les représentations de personnages trans dans la fiction c’est de présenter comme de la fiction, je n’avais pas envie que la transidentité d’Alys puisse être mis sur le même plan que ses nanomachines et son bras cybernétique[2]. L’univers reste tout de même fantastique : il s’agit d’un monde proche du nôtre mais où les rêves ont un peu plus tendance à s’immiscer dans la réalité.

Une protagoniste… et un blocage

À ce moment-là, j’avais une idée assez claire du personnage d’Alys : une sorte de pseudo-sorcière tendance punk, pas mal influencée (je dois bien le dire) par le personnage de John Constantine dans le comics Hellblazer (créé à l’origine par Alan Moore), et les sorcières du Disque-Monde par Terry Pratchett. J’avais une idée du caractère du personnage, comment elle parlait, ses motivations. Bref, ça aurait dû rouler.

Assez vite, j’ai écrit une nouvelle avec ce personnage et dans cet univers : Créatures de rêve. J’étais plutôt contente de ce texte et, encore aujourd’hui, ça fait partie des nouvelles que j’ai écrites que je préfère[3].

J’ai cependant longtemps coincé sur le passage au format « roman » : je savais que je voulais une enquête, des personnages un peu gauchistes, mais tout était très flou, rien, à part le personnage central, ne me plaisait vraiment, et j’ai arrêté deux premiers jets parce que je n’allais nulle part.

L’arrivée de Lev

Les choses se sont débloquées lorsque j’ai eu l’idée du personnage de Lev, et d’en faire la narratrice. Au lieu d’avoir quelque chose de boîteux, il y avait une alchimie qui fonctionnait bien, en tout cas qui me plaisait, et j’ai finalement réussi à écrire la première version d‘Enfants de Mars et de Vénus assez vite. Mais c’est une autre histoire, et je parlerai du personnage de Lev dans l’article suivant.

Notes

[1] Pour celles et ceux que ça intéresse, les personnes de Bull et Valérie dans Une autobiographie sont aussi à la base plus ou moins inspirés de Lev et Alys dans Enfants, même s’ils ont par la suite évolué différemment.

[2] Je ne désespère cependant pas d’écrire un jour une suite où elle finira par acquérir des nanomachines et un bras cybernétique, parce que l’idée était quand même cool.

[3] Même si je l’ai pas mal réécrit récemment, en partie pour que ce soit un peu plus complémentaire et moins redondant par rapport à Enfants de Mars et de Vénus

Billets connexes

Ce que j'aimerais dans une association (syndicat?) d'auto-édité·e·s

, 22:07

Il y a quelques jours, Neil Jomunsi annonçait la création de l’Alliance des Auteurs Indépendants Francophones, puis, son désistement au profit d’une Fédération des Auteurs Indépendants.

Il y a eu un certain nombre de discussions, notamment sur les réseaux sociaux, et ce billet de blog a pour objectif d’essayer d’exposer mon point de vue de manière un peu plus abouti que ce que permet Twitter et Facebook. Je ne prétends pas que ça ait valeur de parole d’évangile, et je pense que j’ai sans doute un point de vue assez minoritaire sur le sujet, mais voilà.

Note sur ma vision des choses

Je ne vais pas me cacher et avancer masquée : je suis communiste libertaire et j’ai une analyse en terme de rapport de classe, et je pense que c’est cette vision qu’il faut avoir pour parler de regrouper des gens en fonction de leur statut par rapport à leur travail.

Parce que oui, je considère ici l’écriture comme un travail : on pourrait discuter des années de savoir si ça devrait en être un ou pas, de savoir si c’est une passion ou pas, mais à partir du moment où il y a une vente d’un produit (et oui, dans le monde capitaliste, le livre est un produit comme les autres) qui permet à des entreprises (Amazon, éditeurs, entreprises à mi-chemin entre Amazon et les éditeurs et qui essaient souvent de concilier le pire des deux mondes, distributeurs, …) de faire du bénéfice je pense que la façon d’analyser ça et d’en tirer des revendications, de s’organiser, de développer de la solidarité avec d’autres travailleuses et travailleurs c’est de voir qu’on fait un travail sur lequel d’autres gens font une plus-value.

Pour reprendre une métaphore que j’avais faite ailleurs et que j’aime bien : une analyse en terme de classe des auto-édité·e·s qui essaient d’en faire un gagne-pain est assez déprimante : des personnes sans aucune sécurité de l’emploi, aucun revenu minimal, qui vont fournir un travail énorme par rapport à ce qu’ils ou elles sont payé·e·s, et qui vont recruter/être clients d’autres personnes avec globalement les mêmes conditions de merde mais dans d’autres domaines, le tout dans une logique de concurrence «libre et non faussée» et d’auto-exploitation forcenée qui pousse les prix de tout le monde vers le bas, dans une espèce de plat de spaghetti où les rapports d’exploitation sont complètement entremêlés. Cela dit, s’il est difficile de démêler les spaghetti, on voit bien tout de même que c’est des entreprises dont le chiffre d’affaires s’évalue en dizaines de milliards de dollars qui mangent toute la viande.

Donc avec cette vision, qu’est-ce que j’attends, ou pas, d’une association d’auto-édités ?

Pas un label qualité ou de la visibilité

Neil Jomunsi (encore lui) a écrit un article pour expliquer pourquoi il est contre la création d’un label de qualité pour la création indépendante, qui est intéressant mais qui ne parle pas de ce qui, pour moi, pose le plus problème.

À vrai dire, je me fous que des gens créent ce genre de label qualité ; pour moi le fond du problème c’est que je pense que défendre l’art, ou la littérature (ici en voulant promouvoir ou mettre un label sur les œuvres « de qualité », quoi que ça puisse vouloir dire) c’est fondamentalement autre chose que de vouloir défendre les droits des personnes qui créent cet art, et que c’est souvent le mélange des deux qui permet d’exploiter tranquillement les auteurs et autrices.

Le fait que sur un groupe de défense des auteurs on trouve plus de discussions sur la pertinence ou la façon de faire un label qualité ou des prix littéraires alternatifs que de discussions sur les revendications à avoir me laisse donc vraiment dubitative.

Une clarté sur les objectifs

Parce qu’en fait, ce que j’attendrais idéalement d’un tel regroupement, ce serait d’abord une certaine clarté sur les objectifs d’un tel regroupement. En particulier, je pense super important qu’un tel collectif défende les droits de toutes les personnes ayant ce statut : pas uniquement ceux des auteurs qui font de la vraie littérature digne de ce nom, ni non plus uniquement ceux des adhérent·e·s ou des membres d’un tel collectif.

J’attends également d’une telle structure un minimum de clarté politique. Pour ça, je suis assez sceptique sur le fait de vouloir se proclamer « indépendant ». qui est un joli mot qui permet de glisser subrepticement vers une pensée libérale du self-made man et des discours à la Macron et compagnie qui présentent comme génial la disparition du salariat et du droit du travail au profit de pseudo-indépendants qui en réalité ne le sont jamais vraiment.

Il me paraîtrait plus pertinent de justement nuancer cette indépendance : dans les faits, combien d’auteurs auto-édité·e·s sont véritablement indépendant·e·s face à Amazon, Kobo, Apple ? Lorsqu’Amazon met la pression pour « encourager » des auto-édité·e·s à s’inscrire à son programme d’exclusivité KDP Select, est-ce qu’il ne serait pas plus pertinent, plutôt que de draper dans son indépendance fantasmée, d’assumer qu’il y a une dépendance ? Est qu’on ne pourrait pas envisager de dire « ok, il y a de fait une cession de droits (certes sur une période de trois mois renouvelable tacitement plus courte que celle habituelle dans l’édition) contre rémunération, on demande donc à ce que ce soit reconnu comme un contrat d’édition classique », comme lorsque des auto-entrepreneurs font valoir que leur « client » est en vérité leur patron ? Même lorsqu’il n’y a pas cette exclusivité, est-ce qu’il ne serait pas plus intéressant de dire qu’à partir du moment où c’est Amazon, Kobo et compagnie qui vendent en réalité nos livres, et qu’on dépend de leur sélection, de leurs algorithmes et qu’on touche juste un pourcentage sur les ventes, il serait logique que cela soit compté comme des droits d’auteurs plutôt que d’avoir à adopter un statut auto-entrepreneur ?

Au minimum, il me paraît important d’avoir un regard critique sur le statut d’« indépendant » vanté par les libéraux et qui est en réalité bien souvent un cache misère à la précarité. Il me paraît important aussi d’avoir un regard critique sur le travail gratuit ou sous-payé qu’on peut faire, et à qui il profite, plutôt (et c’est je pense un risque réel avec l’auto-édition) que de promouvoir qu’au nom de l’Art on doit en faire encore plus (quoi, tu n’as pas fait quinze relectures pour être sûre de n’avoir aucune faute avant de soumettre à un éditeur ou, pire, de publier directement sur Amazon ?) ou qu’on peut également profiter du travail gratuit ou sous-payé des autres (souler ses proches pour qu’ils et elles fassent un travail de correction gratuit, payer 5$ à un·e graphiste galérien·ne et également auto-exploité·e pour faire sa couverture, se faire traduire grâce au crowdsourcing, voire pourquoi pas recruter d’autres auteurs ou autrices moins reconnues en tant que ghostwriters).

 Un lien avec d’autres luttes de travailleurs et travailleuses

Par ailleurs, on est rarement juste auto-édité·e, dans la vie. Parfois, on est aussi auteur ou autrice édité·e « classiquement » ; parfois, on refuse de signer des contrats merdiques pour préférer s’auto-éditer (et je pense qu’il y aurait des revendications sérieuses à avoir sur la disproportion entre droits cédés et rémunération). Par ailleurs, en dehors de l’écriture, on a souvent des boulots à côté, ou alors on touche le RSA, le chômage, etc. : rares sont les auteurs et autrices qui peuvent vivre uniquement de l’écriture. Or la question des galères administratives lorsqu’on est auteur et qu’on veut toucher le RSA en complément (ou qu’on est au RSA et qu’on gagne un peu de l’argent en écriture en complément, suivant comment on voit les choses), par exemple,sont rarement abordées, pas plus que les politiques de flicage des chômeurs et chômeuses et des allocataires de la CAF.

De même, ce que je reproche aux syndicats d’auteurs existants, c’est leur absence de lien avec les luttes des travailleurs d’autres secteurs. A minima, il me semblerait important d’avoir des liens avec les correct·eurs·rices· et les traduct·eurs·rices, qui ont souvent des statuts assez similaires, ainsi qu’avec les employé·e·s qui font face aux mêmes entreprises que nous (par exemple concrètement soutenir lorsqu’il y a une grève chez Amazon) ; de dénoncer le recours massif aux stagiaires ; et de soutenir par ailleurs les revendications de travailleurs « indépendants » qui veulent faire reconnaître qu’il s’agit en fait d’un rapport « patron/travailleur ».

Bref

Alors ouais, tout ça ça demande de parler de politique, peut-être de s’embrouiller, mais sans ça on risque d’avoir un amas de revendications vaguement libérales, d’injonctions à travailler plus (ou exploiter plus) pour gagner plus.

Petit retour sur ''La chair & le sang'' : genèse du projet

, 14:11

episode_01.pngAprès la publication du premier épisode de La chair & le sang, j’avais envie me poser un peu pour revenir sur comment je me suis mise à écrire ce projet, et pourquoi, sur certains aspects, il est un peu différent du reste (tout en s’en rapprochant sur d’autres).

Au départ, des nouvelles érotiques

Tout a commencé l’été dernier, quand je me demandais comment faire dans ma vie pour gagner un peu d’argent. J’ai donc décidé de tester l’écriture de nouvelles érotiques, en me disant que ça devait bien se vendre et que ça nécessitait moins de boulot qu’un roman entier, bref, que c’était peut-être rentable.

Je me suis donc créé un autre pseudonyme, et j’ai écrit quelques textes qu’on pourrait qualifier d’érotique ou de pornographique, selon votre point de vue. Je ne vais pas faire un bilan détaillé de cette expérience (même s’il y aurait beaucoup de choses intéressantes à en dire), mais toujours est-il que même si ça m’a rapporté un peu d’argent, ça ne permettait pas non plus de rouler sur l’or (le fait de me limiter à des histoires lesbiennes n’aidant pas) ; et surtout, écrire quelques textes, c’est amusant, mais passer sur un mode plus « industriel » qui serait nécessaire pour dégager un vrai revenu est très vite éprouvant.

(Non, je ne vous donnerai pas mon (mes) pseudonymes d’autrice érotique ; si vous lisez ce genre de textes, peut-être que vous le devinerez en reconnaissant certaines scènes (même si je n’en ai pas gardé beaucoup), même si je vous serais reconnaissante de le garder pour vous ^^)

L’idée d’en faire une romance

Par ailleurs, j’étais vite frustrée en écrivant ces textes, parce qu’il y avait des personnages que j’aimais bien mais que je ne pouvais pas vraiment développer dans ce cadre puisque ce n’est pas forcément ce qu’on demande à ce genre de textes.

J’ai donc décidé de reprendre ces textes et ces personnages, et d’en faire une série de romance, en ne faisant pas tout tourner autour des scènes de cul mais en développant les relations entre les personnages.

Le pitch à la base était d’avoir une intrigue allant un peu à contre-pied de ce que je percevais comme l’intrigue « standard » des romances parlant de sado-masochisme : au lieu d’avoir une héroïne n’ayant jamais eu ce genre de pratiques à la base qui est initiée au monde super-dark de la fessée par un·e amant·e charismatique et ténébreu·x·se dans ce qui est censé être une apothéose de décadence, j’avais envie de partir d’une héroïne qui a de base des pratiques vaguement « extrêmes »[1] mais qui se retrouve mi-paniquée, mi-fascinée lorsqu’elle découvre l’univers bizarre et effrayant des gens qui offrent des bouquets de fleurs ou veulent faire des dîners aux chandelles.

Moins de cul, plus de guns

Très rapidement, le projet a évolué vers quelque chose qui correspond peut-être plus à ce que j’ai l’habitude de faire, et même l’aspect « romance » est devenu moins central, tandis que les embrouilles de politique vampirique et les histoires de meurtres et d’enquête policière prenaient une part plus importante.

En ce sens, La chair & le sang a fini par plus se rapprocher d’Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires), puisqu’en plus de se dérouler dans le même univers, le genre est le même (bitlit) et l’intrigue suit un peu le même modèle.

Une série feuilletonnante

De même, tout comme Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires), La chair & le sang est découpé en épisodes. Cela dit, ils sont un peu différents : là où dans Une autobiographie les trois épisodes constituant le roman sont voulus comme plus ou moins indépendants, ceux de La chair & le sang suivent un peu plus le principe du feuilleton.

(Paradoxalement, malgré ses épisodes plus indépendants, c’est Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires)) qui a toujours été publié au format « roman » regroupant les trois épisodes, alors que pour La chair & le sang ils sont publiés indépendamment alors qu’ils le sont moins. Cela dit, ça s’explique en partie par l’évolution des usages : les séries littéraires étaient moins courantes lors de la première publication d‘Une autobiographie, et le numérique était encore peu présent.)

L’autre particularité de La chair & le sang, de ce point de vue, c’est que j’ai commencé à le diffuser… avant même d’avoir fini de l’écrire, puisque si j’ai une idée assez précise d’où je vais, à l’heure actuelle tous les épisodes ne sont pas rédigés (et, pour être tout à fait honnête, j’ai beaucoup moins d’épisodes écrits d’avance que ce que j’avais prévus). Bref, l’écriture d’une série est quand même quelque chose d’un peu différent, la pression n’est pas tout à fait la même, et si c’est sans doute une expérience enrichissante, il y a aussi une petite dose de panique : mon Dieu, est-ce que je vais réussir à tenir les délais ?.

(De ce point de vue, il est assez amusant que le premier épisode de La chair & le sang sorte à un mois d’écart d’Enfants de Mars et de Vénus, puisque pour celui-ci c’est tout à fait l’inverse : le texte est terminé depuis des années et a eu le temps de prendre la poussière (métaphorique) sur mon disque dur avant de trouver un éditeur et d’être enfin publié.)

Un résultat que j’assume

Voilà, donc tout ça pour dire que La chair & le sang est un projet un peu spécial pour moi et qui est, sur certains aspects, peut-être un peu « bâtard ».

À l’origine, je n’étais même pas sûre de publier cette série sous ce pseudonyme ; au final, ça donne quelque chose que j’« assume » et dont le résultat, à vrai dire, me plaît plutôt pas mal et n’est en tout cas pas juste quelque chose de commercial ou d’alimentaire écrit à la va-vite pour me faire un peu d’argent. (À l’exception des couvertures, qui n’auraient pas été dans le même style sans le facteur « j’aimerais bien que ça se vende un peu sur Amazon et Kobo ».)

Bref, j’espère que vous aimerez aussi ce premier épisode si vous choisissez de le lire, et à bientôt pour les épisodes suivants :)

Rappel :Les coups et les douleurs est disponible à la vente en livre électronique pour 2,99€ :

  • directement sur ce site, via Paypal :

    (Cette méthode est encore un peu expérimentale : si vous passez par celle-ci et que vous n’avez pas accès au fichier après, n’hésitez pas à m’envoyer un mail à lizzie at crowdagger point fr.)
  • sur Amazon ;
  • sur Kobo ;
  • sur Smashwords.

Il est également disponible en version papier, imprimée façon fanzine (A4 plié en deux, agrafé), pour 5€, dans la boutique ou directement ici :

Note

[1] Évidemment, la notion de « pratique extrême » est assez discutable et ne fait pas beaucoup de sens, surtout lorsqu’on ne sait pas vraiment quel référentiel utiliser. Par exemple, l’ingestion du sang de sa partenaire est probablement une pratique plutôt hors-norme dans le monde réel mais est plus classique dans une relation avec une vampire. Mais vous voyez ce que je veux dire…

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Pseudoconseils autoédition #1: l'auto-édition, pourquoi ?

, 13:52

Il semble être d’usage pour à peu près tout écrivain·e pratiquant l’auto-édition et ayant un blog de faire une série d’articles donnant des conseils sur l’auto-édition, et, malgré ma réticence à donner des conseils, j’ai finalement décidé de me plier au jeu ^^

J’avais en effet un peu envie de faire quelques articles résumant mon expérience dans ce domaine, surtout que je ne me retrouve pas forcément dans les articles que je lis régulièrement sur le sujet. Non pas qu’ils soient forcément mauvais, mais parce qu’ils ne s’inscrivent en général pas tout à fait dans la même perspective : j’aimerais en effet parler (comme les autres) publication sur Amazon ou comment faire une couverture vendeuse, mais aussi (comme moins d’autres) impression DIY, publication de textes gratuits ou encore licences libres.

Dans ce premier article, je voudrais revenir un peu sur les intérêts et inconvénients de l’auto-édition, les comparaisons avec le fait d’être éditée, et les bonnes et mauvaises raisons de s’auto-éditer.

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Bilan auto-édition 2016

, 22:37

Vu que je l'avais fait l'an passé, revoilà un petit bilan pour mes livres auto-édités en 2016, qui, comme son nom l'indique, ne prend en compte que le versant auto-édition. Je suis un peu sceptique sur l'utilité de ce genre de bilans chiffrés, mais je me dis qu'ils peuvent être utiles pour des personnes qui hésiteraient à se lancer dans l'auto-édition (sinon, on n'a que les bilans en mode auto-congratulation des gens qui vendent des dizaines de milliers d'exemplaires et je pense que ce n'est pas très représentatif) ; et c'est aussi vaguement utile pour moi, je suppose.

Livres auto-édités

Je n'ai pas auto-édité de nouveaux livres en 2016 (ça viendra en 2017), donc il y a les trois mêmes que l'an dernier disponibles sur les différentes plate-formes de ventes de livre (Amazon, Kobo, Ibooks, etc. pour le livre numérique, et juste Amazon pour le livre papier) :

Vu comme ça, on dirait qu'il n'y a pas eu du tout de changement, mais c'est un peu plus compliqué que ça :

  • les trois livres (et la quasi-totalité des textes disponibles sur ce site) ont bénéficié d'une nouvelle mise en page, avec un nouveau logiciel, Crowbook ;
  • la couverture de Pas tout à fait des hommes a été changée ;
  • le prix de Sorcières & Zombies et Noir & Blanc sur les librairies numériques ont un peu fluctué, passant de 0,99€ à la gratuité, puis finalement à 2,99€. La raison de ce changement est surtout liée aux pourcentages que prélève Amazon (et d'autres plate-formes, c'est à peu près pareil pour Kobo même si c'est des chiffres différents). À 0,99€, je ne touche que 30% du prix de vente, et Amazon garde 70%, ce qui me faisait un peu chier ; j'ai envisagé de les mettre gratuitement, mais :
    • C'est compliqué sur Amazon (il faut mettre gratuitement sur une autre plate-forme, et qu'ensuite Amazon réalise que le livre est « vendu » moins cher ailleurs et adapte ses prix).
    • En fait, autant je trouve que ça a du sens de mettre ces livres téléchargeables gratuitement (ou plus exactement à prix libre, puisque cela va quand même avec un encouragement à faire un don via paypal ou à me soutenir sur Tipeee si vous avez aimé) ici, sur mon site, autant là j'avais juste l'impression de bosser gratuitement pour Amazon ou Kobo, et donc ça me faisait chier. J'ai tout de même laissé des nouvelles gratuites, parce que 2,99€ pour une nouvelle ça ferait un peu cher et aussi dans une stratégie marketing (et oui) d'espérer que des gens qui aimeraient ces textes en liraient d'autres, viendraient découvrir mon site, etc..

Chiffres

Et donc, au niveau des chiffres, ça donne quoi ?

  • Pas tout à fait des hommes s'est vendu en numérique à 145 exemplaires, dont 131 sur Amazon et 14 sur Kobo (en 2015, c'était 49 exemplaires vendus). Au total, il en est maintenant à 328 exemplaires vendus en numérique.
  • Sorcières & Zombies s'est vendu en numérique à... 5 exemplaires, dont 4 sur Amazon et 1 sur Kobo (en 2015, c'était 17 exemplaires vendus. Ouch). Total de toutes les années : 66.
  • Noir & Blanc s'est vendu en numérique à... 4 exemplaires, dont 3 sur Amazon et 1 sur Kobo (en 2015, c'était 49 exemplaires vendus. Re-ouch !). Total de toutes les années : 41.

Donc, que peut-on conclure de tout ça ?

  • Déjà, heureusement que Pas tout à fait des hommes compense pour les autres, parce que sinon c'est vraiment pas glorieux, ce qui nous emmène au second point :
  • Le changement de couverture de Pas tout à fait des homme a vraiment boosté les ventes, donc voilà, pour vendre des livres, il faut avoir une couverture qui correspond un peu aux attentes du genre.
  • La baisse de ventes pour Noir & Blanc et Sorcières & Zombies est importante, mais avec 9 exemplaires vendus en 2016 contre 66 en 2015, je me suis quand même fait pratiquement autant d'argent dessus (un peu moins quand même : 18€ en 2016 contre 20€ en 2015), puisque mon pourcentage comme le prix ont augmenté. Amazon, en revanche s'en est fait beaucoup moins (8€ en 2016 contre 45€ en 2015).
  • J'ai beau ne pas les aimer plus que ça, la majorité de mes ventes (90%) se fait sur Amazon. Il y en a aussi quelques-unes sur Kobo, mais c'est très minoritaire (10%). Les ventes sur les autres plate-formes sont inexistantes, alors que ces textes sont pourtant aussi sur certaines d'entre elles (en passant par Smashwords). J'ai d'ailleurs quelques nouvelles gratuites qui sont téléchargées sur Ibooks, mais aucun téléchargement payant. Je ne sais pas si c'est une spécificité du marché français ou de mes textes (peut-être me suis-je moquée des maqueux, et qu'ils l'ont mal pris ?).
  • À noter qu'il y a toujours un certain nombre de revendeurs plus ou moins « indépendants » où il n'est pas possible d'être présente en temps qu'auto-éditée, donc ça joue aussi sur cette main-mise d'Amazon.
  • Je trouve quand même intéressant de noter que Pas tout à fait des hommes est maintenant sur les sites de vente en ligne depuis plus de six ans (et était déjà disponible sur ce site avant ça), et que même sans avoir jamais particulièrement « percé » dans les différents tops des ventes il continue (voire commence) à se vendre à peu près régulièrement, à quelques exemplaires tous les mois, donc on n'est pas, sur ce genre d'œuvres, dans un modèle où il y a une durée de vie de quelques mois à peine.

Sinon, ces textes peuvent aussi être commandés en version papier, avec de l'impression à la demande, qui passe par CreateSpace (filiale d'Amazon). J'ai fait une poignée de ventes de chaque mais je n'ai pas les chiffres exacts. Fait surprenant, les ventes de Noir & Blanc et Sorcières & Zombies sont, là, à peu près équivalentes à celles de Pas tout à fait des hommes. Je trouve intéressant que les ventes numériques sur Amazon ne semblent pas corrélées avec les ventes papiers sur Amazon. Ou alors, je pense qu'on peut émettre l'hypothèse que les livres avec '&' dans le titre sont plus adaptés à la vente en papier qu'en numérique.

Aussi, ma conclusion personnelle au moins serait que contrairement à un éditeur il me paraît plus facile pour une autrice ou un auteur auto-édité·e de vendre en numérique qu'en papier.

L'un dans l'autre, ces chiffres de vente ne sont pas mirobolants, mais pas si honteux non plus, surtout vu qu'à part le changement de couverture, je ne fais pas vraiment d'effort pour les vendre (puisque lorsque j'en parle, je mets en avant que vous pouvez les télécharger librement ici plutôt que des liens vers les boutiques Kobo/Amazon).

Abonnement Tipeee

À la rentrée 2016, j'ai également mis en place un abonnement Tipeee, avec l'idée d'essayer de publier régulièrement des textes réservés aux abonné·e·s, à la fois en numérique (à partir d'1€ par mois) mais aussi en version papier (à partir de 5€ par mois), imprimé au format A5 et agrafé façon fanzine.

C'est un peu tôt pour faire vraiment un bilan de tout ça, puisque je n'ai pour l'instant publié que deux nouvelles par ce biais, en novembre et décembre, et que les choses sérieuses vont commencer avec la publication en 2017 d'une série feuilletonante, La chair & le sang (oui, encore un '&' dans le titre). Cela dit, je tiens déjà à remercier les personnes qui me soutiennent par ce biais : même si ça n'est pas des milles et des cents, je m'attendais un peu à ce que ça reste à zéro un bon moment, donc jusqu'ici je trouve ça plutôt chouette :)

Au niveau chiffres, il y a à l'heure où j'écris 13 abonné·e·s, ce qui est déjà plutôt pas mal. En dehors des chiffres, je trouve surtout intéressant de pouvoir sortir un peu du système Amazon, et même si on a peut-être moins l'impression d'avoir un « vrai » livre entre les mains, je trouve le format fanzine plus satisfaisant, parce que fait de manière DIY à la mimine plutôt qu'imprimé je ne sais pas où dans le monde, même si ça demande aussi plus de temps en impression/agrafage/envois. (Bon, ça marche pour des textes courts, pour un livre de 300 pages j'ai bien conscience que ça va être un poil plus compliqué.) Je ne sais pas trop ce que ça va donner sur la durée, mais je pense que c'est une piste intéressante.

Réflexions sur les enjeux dans un roman

, 20:51

(Billet mis à jour le 12 janvier 2019)

Une fiction prenante arrive à vous convaincre qu’il y a énormément de choses en jeu dans l’histoire et c’est a priori quelque chose de fondamental, peut-être pas pour le roman en général, mais au moins pour ceux qui ont une certaine vocation divertissante et en tous cas dans les genre de la fantasy, du polar ou encore de la science-fiction.

Cependant„ j’ai parfois l’impression qu’il peut y avoir l’idée qu’en gros, « plus il y en a, mieux c’est » : plus les enjeux sont importants, plus l’histoire sera captivante. Je pense que, pour le coup, c’est assez faux, ou en tout cas pas si simple. Même si ça reste un peu confus dans ma tête, je voulais donc essayer de mettre un peu au « propre » mon début de réflexion sur le sujet.

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Anti conseils d'écriture, #1 : écrire tous les jours

, 13:57

J'ai l'impression que les conseils pour les auteurs fleurissent, et c'est très bien : ça permet notamment de rendre accessible certaines notions à des gens qui n'ont pas fait d'études poussées de lettres, ce que je trouve chouette. Ça m'a permis de (re)découvrir plein de choses qui m'étaient passées au-dessus de la tête à l'école, ou que je pensais utiles seulement à des universitaires. Ça permet aussi de s'entraider entre auteurs, de s'encourager, etc.

Ça n'empêche pas qu'une partie de moi trouve qu'il y a quelque chose de fondamentalement dangereux dans la notion même de conseils. Je veux dire, on commence par donner des conseils, et après il se pourrait bien que des gens nous écoutent et les appliquent. Et, de fait, j'ai parfois l'impression qu'il y a des conseils qui se transforment peu à peu en injonctions.

L'idée de cette série d'articles (je ne sais pas si j'en ferai beaucoup), c'est d'examiner un certain nombre de conseils dont j'ai l'impression qu'ils sont très populaires alors qu'ils ne me semblent pas forcément opérants tout le temps et qu'en faire des vérités absolues me paraît dommageable.

Ou peut-être qu'une autre façon de voir les choses c'est que je n'assume pas de donner des conseils d'écriture parce que je ne vois pas bien qui je suis pour prétendre donner des conseils, mais que j'ai envie de parler d'écriture quand même :)

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Utiliser correctement les espaces insécables (c'est pas si facile)

, 21:56

J'ai écrit un article sur les espaces insécables, les différentes variantes de celles-ci, et comment j'ai fait pour gérer ça dans Crowbook. Pour démontrer visuellement là où sont utilisées les espaces insécables, j'ai ajouté des balises HTML pour qu'elles aient un fond coloré et soient visibles.

Malheureusement, Dotclear ne veut pas me garder ce formatage sur ce blog, donc il faudra que vous alliez voir l'article ici : Utiliser correctement les espaces insécables (c'est pas si facile)

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La mise en page dans les dialogues et ses implications

, 18:09

Il y a, en français, deux écoles pour la mise en page des dialogues dans les nouvelles et romans : la première, que j'appellerai « classique », qui utilise les guillemets, et la seconde, appelons-la « moderne »[1], qui s'en dispense, se contentant des tirets cadratins.

Un exemple concret, dans la version « classique » :

« Bonjour, fit-il. Comment allez-vous ?

— Ma foi, pas si mal, répondit-elle. Et vous ?

— On fait aller. »

et la même chose dans la version « moderne » :

— Bonjour, fit-il. Comment allez-vous ?

— Ma foi, pas si mal, répondit-elle. Et vous ?

— On fait aller.

Préférence personnelle

Voilà, voilà, en soi tout cela n'est pas passionnant : ça ne change pas forcément grand-chose et ça dépend surtout du style de l'éditeur. Sauf que quand on s'auto-édite, vu qu'on a aussi ce rôle, on doit bien se poser la question de savoir lesquels on utilise.

Personnellement, j'étais plutôt une traditionaliste adepte des guillemets. Notamment, je trouvais ça intéressant parce que ça permettait de clarifier ce qui relevait ou pas du dialogue dans le cas d'incise longue, ou d'insérer des actions au milieu d'une ligne de dialogue :

« Bonjour », fit-il en enlevant son chapeau, qui manqua de lui glisser des doigts dans le processus. « Comment allez-vous ?

— Ma foi, pas si mal. » Elle s'alluma une cigarette. « Et vous ?

— On fait aller. »

Dans un cas comme ça, je trouve que le passage sur le chapeau qui manque de glisser des doigts rend la première ligne de dialogue un peu difficile à lire sans les guillemets : il faut un effort pour savoir ce qui relève du dialogue ou de la narration (pas un effort colossal, je dois l'admettre, mais je suis une lectrice feignante) :

— Bonjour, fit-il en enlevant son chapeau, qui manqua de lui glisser des doigts dans le processus. Comment allez-vous ?

Par ailleurs, le « Elle s'alluma une cigarette » ne peut pas être inclus tel quel dans la version moderne (ce n'est pas une incise) et nécessite donc de couper le dialogue (ce qui n'est pas forcément un mal, d'ailleurs) :

— Ma foi, pas si mal.

Elle s'alluma une cigarette.

— Et vous ? reprit-elle.

— On fait aller.

Une parenthèse anti-parenthèse

Il y a une alternative au fait de couper le dialogue en plusieurs lignes, qui est de montrer une indication claire que cela ne relève plus du dialogue (ce qui est prononcé par le personnage) mais de la narration :

— Ma foi, pas si mal. (Elle s'alluma une cigarette.) Et vous ?

— On fait aller.

J'ai une opinion assez tranchée sur le sujet : il y a déjà une façon claire d'indiquer que quelque chose relève ou pas du dialogue, c'est des foutus guillemets. Si t'as envie de te débarrasser des guillemets dans les dialogues, d'accord, mais ne va pas les remplacer par quelque chose qui n'est pas adapté parce que ça a déjà un autre sens. Par exemple dans le cas suivant :

— Ma foi, pas si mal. (Et entre nous, pas si bien non plus, hein.) Et vous ?

Est-ce que le « (Et entre nous, pas si bien non plus, hein.) » est prononcé par le personnage, les parenthèses servant à une indication de ton ? Est-ce que c'est le narrateur qui indique que le personnage ne va pas si bien ? Ben, on sait pas trop.

Vous me direz, on peut trouver autre chose que les parenthèses, ajouter une autre façon (par exemple les italiques) pour indiquer qu'on sort du cadre du dialogue, mais ça ne change rien au problème principal : on a quelque chose qui est fait pour ça, et c'est les guillemets. Si tu te retrouves à devoir mettre des parenthèses à la place, c'est peut-être que tu devrais utiliser l'autre méthode pour la mise en page des dialogues. Et si tu ne veux pas mettre de guillemets, soit, mais dans ce cas il faut un minimum d'adaptation.

Bon, en vrai vous faites ce que vous voulez, hein, je ne juge pas, je dis juste que c'est de la merde.

Une expérience sans guillemets

Quand j'ai corrigé un peu Sorcières & Zombies récemment, j'en ai profité pour passer à cette méthode « moderne », sans guillemets (et sans parenthèses non plus (enfin, pour marquer qu'il ne s'agit pas du dialogue, sinon je n'ai rien contre les parenthèses)). Je voulais voir ce que ça donnait et ce que je devais changer.

Et, au final, ça ne change pas grand chose : pour 80% (estimation pifométrique) des lignes de dialogues, un « chercher/remplacer » était suffisant. Mais il y avait les soucis dont je parlais au-dessus, d'incises trop longues et d'actions au milieu des dialogues.

Et ce qui est intéressant, en devant adapter ces cas-là, c'est que je me suis rendue compte que ce n'était pas juste un souci de forme, mais que ça influençait un peu sur la façon d'écrire. Pour reprendre l'exemple avec l'incise trop longue :

« Bonjour », fit-il en enlevant son chapeau, qui manqua de lui glisser des doigts dans le processus. « Comment allez-vous ?

— Ma foi, pas si mal. » Elle s'alluma une cigarette. « Et vous ?

— On fait aller. »

Bon, on voit que l'incise est trop longue, donc on en fait une action à part :

— Bonjour, fit-il.

Il enleva son chapeau, qui manqua de lui glisser des doigts dans le processus.

— Comment allez-vous ?

Ah, mais là ça ne va plus trop, parce que le tiret cadratin, normalement, indique une alternance, et là c'est la même personne qui parle alors que rien ne l'indique. Résultat, à la lecture, on pourrait croire que c'est à lui qu'on pose la question « Comment allez-vous ? ». Pour régler ça, on pourrait se contenter d'un truc genre « reprit-il » ou « continua-t-il », mais il ne faut pas en abuser (et on va peut-être déjà en avoir besoin en-dessous), donc faisons en sorte que ce soit clair d'une autre façon :

— Bonjour, fit-il.

Il enleva son chapeau, qui manqua de lui glisser des doigts dans le processus. Il tâcha de ne pas se laisser décontenancer et poursuivit :

— Comment allez-vous ?

— Ma foi, pas si mal.

Elle s'alluma une cigarette.

— Et vous ? demanda-t-elle.

— On fait aller.

Ha, mais une seconde. Vous ne trouvez pas que ce « Elle alluma sa cigarette » fait un peu cheap, maintenant ? Quand c'était au milieu d'une ligne de dialogue, ça passait bien, mais là avec son paragraphe à part ça fait quand même un peu radin, on serait tentée d'étoffer un minimum :

Elle sortit un briquet Zippo doré d'une poche de son blouson en cuir et s'alluma une cigarette. Elle prit le temps de savourer une bouffée de tabac avant de demander :

— Et vous ?

Bon, je concède que c'est un exemple un peu bidon, mais vous voyez un peu l'idée : en passant uniquement d'une différence sur la mise en forme, ça entraîne des changements dans le texte lui-même, avec moins de participes présents (« en enlevant ») mais plutôt des verbes d'actions (« il enleva »), avec peut-être des descriptions étoffées à certains endroits ou à l'inverse supprimées à d'autres.

La forme influence le fond

Évidemment, quand j'ai fait ce changement de mise en forme, ça n'a entraîné que des modifications mineures, mais j'ai tout de même l'impression que si j'avais utilisé directement cette façon de mettre en page les dialogues au moment de l'écriture, il y aurait eu plus de différence.

Je crois que pour mon projet en cours je vais essayer cette approche « moderne », car j'ai l'impression que ça me forcerait à éviter l'abus de participes présent et à mettre un peu plus de descriptions au milieu des dialogues, choses qui ne feraient pas de mal à mes textes.

Je prenais ce choix de mise en forme des dialogues, entre école « classique » et « école moderne », uniquement sous l'angle esthétique et de la mise en page, mais au final j'en viens à envisager de changer de façon de faire non pas pour ces raisons, mais pour ce que ça implique[2] sur la façon d'écrire ces passages de dialogues.

Bref, je sais bien que j'invente pas l'eau chaude dans ce billet, mais je voulais juste partager cet exemple de comment une simple façon de mettre en forme peut avoir plus d'impact qu'on ne le croit.

Notes

[1] J'ai déjà vu utiliser le terme « à l'anglosaxonne », expression qui j'avoue me perplexifie car dans les textes anglais et américains on n'utilise justement que des guillemets et on ne voit jamais de tirets cadratins.

[2] Sans être sûre de cerner tout ce que ça implique exactement.

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L'écriture, un métier dont on peut vivre ?

, 15:49

Suite à cet article paru sur le site Actuallité, Vivre de sa plume : la vie de l'auteur, entre vocation et profession, j'ai vu passer quelques discussions intéressantes sur la question, pour résumer, « les auteurs devraient-ils pouvoir vivre de leur plume » ?

Comme ça faisait partie des questions qui me trottent dans la tête depuis un moment, je vais essayer de résumer un peu là où suis dans mon cheminement de pensée.

Je précise que je parle ici principalement (au début en tout cas) de ce que je connais un peu, c'est-à-dire les romans de fiction, éventuellement « de genre » (même si je ne suis pas persuadée que ça fasse une grosse différence). La question est sans doute différente pour les auteurs et autrices de livres ou articles scientifiques ou encore de manuels scolaires, les journalistes, ou même pour le champ (moins éloigné dans l'absolu) de la bande dessinée.

Quelques considérations économiques

Si on regarde de temps en temps les chiffres du monde du livre, même de loin, on peut constater qu'il y a une augmentation du nombre de livres publiés (et encore plus pour les auto-publiés) sans qu'il y ait la même augmentation du nombre de livres achetés par les lecteurs et lectrices.

Donc il n'y a pas besoin de faire de maths compliquées pour comprendre que le nombre d'exemplaires vendus par livre a tendance à diminuer. Sans compter que la moyenne n'est pas forcément le meilleur indicateur, puisqu'elle est tirée vers le haut par un nombre restreint de best-sellers. Donc en gros : la plupart des livres ne se vendent pas tant que ça, beaucoup de livres ne se vendent qu'à quelques centaines d'exemplaires.

Partant de là, même avec des droits d'auteurs importants (mettons, allez, soyons ouf, 20%) si on regarde combien de romans il faut écrire pour toucher un smic, on en arrive vite à « au moins un par mois », ce qui rend un peu compliqué, du coup, de vivre de son écriture (même si c'est certes un rythme que des auteurs fort prolifiques ont réussi à tenir, par exemple la famille Bruce avec les OSS 117).

Si on regarde ça, on pourrait être tentée de dire qu'effectivement, l'écriture de romans est plutôt un truc à faire tout en ayant un boulot à côté.

D'autres considérations économiques

Cela dit, si on regarde de temps en temps les chiffres du chômage, même de loin, on peut penser qu'avec 6 millions de chômeurs et chômeuses en France, la possibilité d'avoir un boulot à côté n'est pas non plus accessible à tout le monde. (Et ce d'autant plus si on se limite aux boulots qui permettent d'être en capacité d'écrire à côté : puisque je suis à peu près sûre que, mettons, les profs de fac sont plus représenté·e·s chez les écrivain·e·s que les ouvrier·e·s à la chaîne.)

Évidemment, j'ai bien conscience que la possibilité de vivre de son écriture est dans l'ensemble plus limitée que celle de trouver un taf pas trop pourri, mais je me dis qu'au moins si le fait que l'écriture soit considérée comme un travail (potentiel, du moins) pouvait me valoir d'arrêter d'être emmerdée par Pôle Emploi, ça ne serait pas forcément un mal. Je ne prétends pas écrire des choses magnifiques et indispensables pour le monde, mais ça me paraît toujours moins inutile que d'envoyer un CV qui ne sera pas lu ou me fader une formation pour apprendre des trucs que je sais déjà. (Bon après on pourrait aussi revendiquer qu'on arrête de faire chier tou·te·s les chômeu·r·se·s et autres allocataires, mais on s'égare un peu.)

Disons qu'au moins je trouverais ça plutôt pas mal si on pouvait arrêter de dire « le plus simple pour un auteur, c'est de garder un boulot à côté », comme si l'accès à un boulot qui permette d'avoir un peu de temps de cerveau disponible pour l'écriture était universellement accessible à tout le monde.

Amateur ou professionnel ?

Après, personnellement, je suis pas spécialement pour revendiquer un statut de « professionnelle ». Au contraire, je trouve ça cool qu'il y ait des espaces de la culture qui échappent, au moins en partie, à la sphère marchande : éditeurs associatifs, librairies autogérées, ça existe aussi et c'est tant mieux.

Ce qui me pose le plus souci, c'est le mélange entre les deux, et notamment de devoir te fader les devoirs du « professionalisme » sans en avoir les « droits ». Je veux dire, je lis régulièrement des conseils aux auteurs, parfois des trucs spécifiques pour l'auto-édition, et des fois j'ai un peu l'impression de lire ça :

  • si tu veux soumettre ton mansuscrit à un éditeur, il faut que ce soit nickel chrome : mise en page correcte, se relire un certain nombre de fois, se faire relire par d'autres ;
  • si tu veux t'auto-éditer, il faut que ce soit encore plus nickel chrome, il faut que ce soit irréprochable au niveau de la forme, qu'il n'y ait pas de fautes d'orthographe, et aussi que t'arrives à avoir une couverture impeccable ;
  • une fois le roman sorti, il faut se bouger le cul pour faire des dédicaces, tenir un blog, faire ta promo sur les réseaux sociaux ;
  • mais quoi qu'il en soit, très peu d'auteurs parviennent à en vivre donc garde ou trouve-toi plutôt un vrai boulot à côté.

Bref, ce qui me gêne c'est que j'ai l'impression qu'alors que les auteurs ont de plus en plus une paye d'amateur, il y aussi des attentes d'un degré de professionalisme plus élevé et plus d'attentes en terme de boulot connexe à celui de l'écriture, et, tout ça me semble un peu contradictoire.

Ce qui me paraît le plus contradictoire, c'est de garder le même contrat d'édition. Je veux dire, le principe du contrat d'édition, c'est que tu cèdes tes droits à l'éditeur. Céder, ça veut dire que tu les as plus : c'est l'éditeur qui en a l'exclusivité. Il y a encore beaucoup de cas où ces droits ne sont pas cédés pour une période limitée (5, 10 ans, mettons), mais à vie, ou plus exactement à vie et 70 ans après ta mort.

Perso (et je crois pas avoir vu cette idée défendue par d'autres), je ne trouverais pas aberrant de dire « si tu veux les droits sur une œuvre jusqu'à 70 ans après la mort de l'auteur, là ça on rentre dans le domaine « professionnel », donc le minimum c'est de filer l'équivalent d'un SMIC ». Certes, un roman ne prend pas toujours le même temps à écrire, mais avec une estimation pifométrique de durée (un roman = un an) et de nombre de mots (un roman= cinquante mille mots) tu peux calculer un minimum par nombre de mots, et donc une rémunération minimale.

Après, il y a plein de petits éditeurs qui ne peuvent pas payer ça, et le but n'est pas de restreindre les publications aux quelques best-sellers, donc on pourrait dire « ben dans ce cas on n'est pas dans un truc professionnel, donc tu peux pas avoir les mêmes droits sur l'œuvre, et surtout pas sur la même durée ».

Évidemment, il est assez improbable que ça évolue dans ce sens : globalement, la tendance est plutôt à donner plus de flexibilité, à laisser employeur et salarié·e·e fixer librement (pour l'employeur, en tout cas) les conditions de travail sans avoir à s'emmerder des mammouths comme le code du travail. Alors, étendre ça à ce qui ne relève même pas du salariat ? Voyons, vous n'y pensez même pas.

De manière plus générale

Cela dit, voilà, personnellement, j'avoue que la possibilité de « vivre de son écriture », à la limite, je m'en fous un peu. Je pense que je pourrais aussi réussir à écrire si j'avais un boulot pas trop chiant qui me laissait du temps à côté (et du temps à côté, peut-être qu'on en aurait un peu plus si on se disait que le chômage structurel c'est pas juste que les sans-emploi sont des feignant·e·s mais qu'en fait peut-être il y aurait moyen que ceux et celles qui ont un boulot bossent moins). Le truc, c'est que c'est compliqué.

Parce qu'en fait, si on y regarde bien, ce truc d'une cession d'un travail, où l'auteur/autrice n'est pas salarié·e, c'est pas exactement spéficique à l'écriture. Ça a tendance à se généraliser de plus en plus, avec des boîte qui préfèrent faire appel à des « indépendant·e·s » plutôt que de payer des salarié·e·s. On paie non plus un salaire fixe en fonction du nombre d'heures, mais au résultat ; et comme c'est fabuleux la libre concurrence et que, rappelons-le, il y a 6 millions de chômeu·r·se·s, on peut imposer des rémunérations super basses. Et puis, plus besoin de s'embêter avec les licenciements vu que t'as juste à dire « bon, ben maintenant on va bosser avec quelqu'un d'autre ».

De même, la confusion « amateur » / « professionnel » est, j'ai l'impression, de plus en plus utilisée, il n'y a qu'à voir la multiplication des mots en -ing et des termes à base de « collaboratif » ou « participatif » pour désigner ce genre de pratiques : crowdsourcing, wwoofing, information participative, etc. Bon, d'accord, on a bien conscience que tu vas pas pouvoir dégager l'équivalent d'un SMIC avec ce pseudo-taf, mais ça peut compléter ton boulot principal, ou ta retraite. Ou, mieux, tu ne seras pas payé·e du tout, mais « ça te fera de la pub », ça te permettra de « découvrir », etc. Autant de jolis mots qui masquent qu'il s'agit bien d'un business et qu'avoir des gens qui bossent gratuitement ou pas cher ça permet de réduire la masse salariale (et accessoirement de renforcer l'armée des chômeu·r·se·s prêt·e·s à bosser pas cher pour avoir de quoi payer leur loyer ou leur chauffage).

Au final la question n'est peut-être pas « est-ce que l'écriture est un métier dont on devrait pouvoir vivre ? » mais « est-ce que demain il y aura encore des tafs dont on peut vivre, et pas juste survivre sans savoir ce qu'on gagnera le mois prochain et si on aura de quoi payer le loyer ? ».

Et comme j'ai bien conscience que ce n'est pas une conclusion très positive, on n'a qu'à finir sur un petit extrait d'une chanson révolutionnaire pour se remonter le moral :

Oui mais, ça branle dans le manche

Les mauvais jours finiront

Et gare à la revanche

Quand tous les pauvres s'y mettront !

La narration à la première personne (vaguement à propos d'Une autobiographie transsexuelle #3)

, 22:04

Voici le troisième article qui a pour objectif de poser quelques éléments de réflexions diverses autour d'Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires). Pour rappel, le premier article sur le sujet tournait autour des aspects un peu politiques liés à la représentation de minorités (en l'occurrence lesbiennes et femmes trans), tandis que le second parlait des méchants. Toujours pour rappel, si vous ne l'avez pas encore lu, vous pouvez notamment commander le livre sur le site de l'éditeur, Dans nos histoires.

Avertissement : cet article peut contenir quelques légers spoilers si vous n'avez pas encore lu ce livre.

Dans cet article, même si je pars de ce livre comme point de départ et exemple, j'en profite aussi pour donner quelques réflexions personnelles, qui valent ce qu'elles valent, sur la narration à la première personne. Je tiens à préciser (encore) que même si j'ai une relative expérience dans l'écriture de fiction, je n'ai pas un cursus littéraire, donc jen'utilise pas forcément les bons mots pour parler des choses et il y a des chances pour que je dise un paquet d'évidences (voire des absurdités) pour des gens qui s'y connaissent un peu dans le domaine. J'espère que ça intéressera quand même certaines personnes, en tout ça m'a permis de mettre un peu des trucs au clair dans ma tête.

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