Le blog de Lizzie Crowdagger

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Journal de confinement (avec une vampire) — Troisième jour

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Salut tout le monde, ou les gens qui liront ça un jour. Je m’appelle Bull, et ceci est le témoignage poignant que je veux offrir aux générations futures sur la situation que nous vivons en ce moment. Bon, d’accord, c’est surtout que je m’ennuie à mourir.

Aujourd’hui, c’est le troisième jour que nous sommes confinées, et je commence à me demander si je vais survivre à cette épidémie. Oh, je ne pense pas mourir de la maladie. D’accord, j’ai quelques critères de risques : fumer, obésité, hypertension. Mais c’est surtout que j’ai peur de finir par me défenestrer.

Il y a trois jours, après les annonces de notre président, j’ai eu un échange téléphonique avec ma daronne. Elle m’a proposé de prendre ma moto, quitter Lille, et aller la rejoindre à la campagne. J’ai refusé, évidemment. Trop bonne, trop conne. Pas envie de la mettre en danger. Pas envie de faire comme ces parigots tête de veau partis dans leur résidence secondaire.

Résultat, je vis maintenant cloitrée avec Rouge. Rouge, c’est ma meuf, et c’est aussi une vampire, ce qui pourrait laisser supposer qu’elle n’est pas obligée de rester confinée. Mais elle reste quand même dans l’appartement, à faire des allers-retours dans le salon pendant que j’essaie désespérément de faire autre chose. On a fini par un peu s’engueuler.

— Bordel, lui ai-je dit, tu ne veux pas t’arrêter ?

— Non, il faut faire un peu d’activité physique.

J’ai tenté de lui expliquer que, moi, oui, je devrais faire de l’activité physique, mon médecin n’arrête pas de me le répéter. Ce coup-ci, au moins, j’aurais une bonne excuse pour ne pas être sortie faire du vélo. Mais ça, c’est parce que je suis une humaine, et par ailleurs avec de certains problèmes de poids. Les vampires, eux, peuvent rester à faire la sieste pendant des putains de siècles et se réveiller frais et dispos, sans la moindre perte de masse musculaire. Enfin, quelque chose comme c’est.

— D’accord, a admis Rouge. C’est pour me calmer les nerfs.

— Tu ne calmes pas les miens !

— Désolée, a-t-elle dit.

Ensuite, elle s’est assise cinq minutes en pianotant sur son ordinateur portable. Après quoi, elle s’est relevée et s’est mise à faire des allers-retours.

— Nom de Dieu ! ai-je râlé. Tu ne veux pas aller marcher dehors ?

— On est en confinement.

— Tu es une putain de vampire ! Tu crois quoi, que tu vas tomber malade ?

Elle a haussé les épaules.

— On ne connait rien de ce virus. Et puis, les vampires peuvent parfois être porteurs sains. Ils ont été un grand vecteur de contagion pendant la peste noire.

— N’importe quoi, c’est des trucs de complotistes ! Ça a été débunké un milliard de fois, ces conneries.

J’avais appris ça au début de notre relation. Je voulais être sure de ne pas faire de conneries avec mon amante et je m’étais renseignée un peu sur les vampires. J’avais fini par regarder beaucoup trop de vidéos sur le sujet, notamment celles de vulgarisateurs qui pouvaient montrer qu’ils avaient un gros cerveau en montrant à quel point la théorie pondue par un survivaliste lunatique fréquentant 4chan était infondée. Ce qui, je suppose, était mieux que de ne regarder que les vidéos de survivalistes lunatiques fréquentant 4chan comme ma copine.

— Dans tous les cas, a-t-elle dit, il vaut mieux appliquer le principe de précaution. Je ne veux pas prendre le risque de propager la maladie.

— Tu ne la propages pas non plus si tu restes immobile, ai-je répliqué.

Elle a entendu le message, et est retournée sur son ordinateur portable. Cette fois-ci, elle a tenu un bon quart d’heure avant de se relever et de se remettre à faire les quatre cents pas dans le salon. Je ne sais pas cette fille angoisse tellement. Si j’étais une vampire, je ne me soucierais pas d’une épidémie qui touche les pathétiques mortels.

Mais, pour l’heure, je ne suis qu’une pathétique mortelle qui se dit que, si ce confinement dure, elle risque de péter une durite.

 

 

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