Le blog de Lizzie Crowdagger

Ici, je discute écriture et auto-édition, fanzines et livres numériques, fantasy et fantastique, féminisme et luttes LGBT ; et puis de mes livres aussi quand même pas mal
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Punk is undead est maintenant disponible à prix libre intégral (y compris gratuitement)

, 18:45

punk_is_undead.pngPunk is undead, l’intégrale de la saison 1 de La chair & le sang, est maintenant disponible à prix libre intégral, y compris gratuitement si vous êtes pauvre, ou un·e gros·se radine, ou si vous  nesavez pas trop ce que ça vaut, ou…. bref, vous pouvez le pécho gratos si vous voulez.

(Évidemment, ça ne s’applique que pour la version numérique, parce que pour le livre papier ce serait un peu plus compliqué, mais ça n’empêche pas qu’il en existe aussi une version brochée si vous préférez ce format.)

Quatrième de couverture

Je m’appelle Jessica, je viens d’emménager dans une nouvelle ville, et je cherche juste à faire comme tout le monde : trouver un travail, rencontrer l’amour, et avoir une vie stable et satisfaisante.

Sauf que mes seules opportunités professionnelles sont de bosser pour des vampires, que la voisine sur laquelle j’ai un crush est une skinhead louve-garou, et que mes tendances masochistes ne sont pas toujours très bien comprises.

Lorsque des gens commencent à se faire descendre autour de moi, je ne suis pas très surprise. La seule chose de stable dans ma vie, c’est bien ma capacité à attirer les emmerdes.

Pourquoi donc ?

Alors vous vous demanderez peut-être : mais pourquoi donc ? Tu ne penses pas que ton travail mérite salaire ? Si c’est gratuit, ne suis-je pas le produit ?

Il y a plusieurs raison, et si ça tombe en période de grosse grève ce n’est pas complètement par hasard, puisque j’ai hésité un moment à rendre ce texte disponible gratuitement pendant cette période en invitant à donner à la place à une caisse de grève. Au final, je ne pensais pas que ça servirait à grand-chose vu qu’il n’y avait pas des milliers de vente du bouquin à la base via mon site et j’ai un peu laissé tomber l’idée un moment.

Sauf qu’en fait, je ne vends pas spécialement énormément de bouquins en auto-édition, et ce ne sont pas les quelques royalties que me verse Amazon qui vont  changer grand-chose à mes revenus. Les abonné·e·s à ma page Tipeee me permettent heureusement d’avoir un complément un peu plus conséquent et un peu plus stable, et je vous remercie vraiment pour ça. Il se trouve que ce n’est pas spécialement lié à des ventes et que ça n’introduit pas forcément un besoin de limiter l’accès pour les gens qui ne peuvent ou ne veulent pas payer.

Et il se trouve que je pense que rendre la « culture » (qui me paraît un bien grand mot pour parler de ce que je fais) accessible à tou·te·s est quelque chose d’important, et en particulier quand ça visibilise des personnages et des thématiques qu’on ne retrouve pas forcément partout (LGBT au hasard). Même à un prix modique, le fait de devoir passer par Paypal ou avoir une carte bleue peut être bloquant pour plein de gens. Je suis aussi plutôt partisane des licences libres, et je pense mettre Punk is undead sous licence Creative Commons (comme le sont déjà un certain nombre de mes autres textes) quand j’aurai moins la flemme.

Je me suis aussi demandée pourquoi je vendais les livres en version numérique sur mon site, parce qu’en fait ça n’a rien d’évident et, longtemps, je me suis contentée de mettre les textes complètement gratuitement sans en chercher aucune rémunération. Et si, bien sûr, il y a la question de cette rémunération et de ce que ça implique (puisqu’on est dans un monde où les choses sont payantes et que je n’ai pas de gros revenus en-dehors de cette activité), je pense qu’il y avait aussi un aspect lié à ce que c’est que d’être une « vraie » autrice, de rentrer dans les clous de ce que font les « professionnels », etc, et qu’en fait ça ne correspond pas à ce que je veux.

Ça rejoint une discussion que j’ai eue récemment sur le fait de chercher de plus en plus à monétiser dès qu’on fait quelque chose, et il me semble que si l’argument du « je n’ai pas envie de travailler gratuitement » est légitime, faire des choses et partager en-dehors du marché l’est aussi. Alors, certes, en proposant un prix libre et un appel à me soutenir si vous aimez plutôt qu’une gratuité totale, je ne me mets pas vraiment hors du marché, mais j’ai l’impression que ça me permet de placer mon travail de création dans un entre-deux qui me paraît plus confortable.

Bref

Bref, je crois que j’ai un peu tiré un deuil sur ma capacité à « vivre » de l’écriture et à être une « vraie écrivaine professionnelle » et je me dis que, tant qu’à faire, autant partager et vous permettre de partager. Ça n’empêche pas que je suis très heureuse quand des personnes me soutiennent financièrement parce qu’elles ont apprécié ce que j’écris, que je préfère parler de prix libre que de gratuité, et que par ailleurs je continuerai à proposer ce livre (comme je le fais déjà pour Pas tout à fait des hommes, par exemple) à la vente sur les plate-formes de vente comme Amazon et Kobo, parce qu’elles ont plus d’audience que moi, ce qui rend compliqué d’y être tout à fait absente, et que je n’ai pas envie de bosser gratos pour elles pour autant (et de toute façon elles n’ont pas l’option « prix libre »).

Je pense que je ferai la même chose pour ce qui correspondra à la saison 1 de Lacets rouges & magie noire (qu’il est d’ailleurs plus que temps que je sorte), peut-être pas dès le début (parce que pour chaque livre j’ai toujours l’espoir insensé que celui-ci va percer de ouf et me rendre riche et de droite), mais assez rapidement.

En attendant, bonne lecture pour les gens qui lisent, bonne grève pour les gens qui grèvent, bonne fêtes pour les gens qui fêtent et à la prochaine.

À propos de gratuité

, 11:00

Il y a quelques temps, j'avais vu passer un article en deux parties de Thibault Delavaud, intitulé La gratuité, pire ennemie de l'auteur indé. J'avais, à l'époque, eu envie d'écrire une petite réaction dessus, puis comme un certain nombre de choses que j'avais pour projet d'écrire, je l'avais remis à plus tard.

Il y a quelques jours, j'ai vu passer un article du même auteur qui revenait un peu là-dessus, Le mythe de la rémunération de l'auteur, et là j'ai une insomnie, donc je me suis dit que c'était le bon moment.

La gratuité, dangereuse pour les auteurs ?

Si je résume les arguments en essayant de ne pas les déformer, la gratuité n'est un outil valable pour un auteur que dans des cadres, grosso-modo, de promotion de ce qui est payant, soit en limitant la gratuité dans le temps afin de faire de la pub pour que le livre se vende mieux, soit en distribuant un livre gratuitemet afin que les lecteurs qui l'auraient découvert aient envie de lire la suite ou les autres livres de l'auteur, et pour cela mettent la main au porte-feuilles. Par ailleurs il y a l'idée que la gratuité est sur-estimée et que ce n'est pas parce que vous mettez votre chef d'œuvre en ligne gratuitement que ça va faire un buzz de ouf.

Dans l'absolu, je pense que si vous essayez de vous faire de l'argent en vendant vos livres, ce n'est pas une stratégie absurde et je suis assez d'accord sur les limites de la gratuité comme outil de promotion.

Ce qui me pose plus question, c'est qu'il y a aussi l'idée que tout travail mérite salaire et que, si vous distribuez gratuitement vos livres, vous contribuez à fragiliser l'industrie du livre et, en gros, à faire en sorte que beaucoup d'auteurs n'arrivent pas à vivre de l'écriture.

Alors évidemment, vu que d'une part je propose gratuitement à disposition une bonne partie de mes textes (même si des fois je préfère dire que c'est à prix libre, mais dans les faits ça revient à pouvoir les télécharger gratuitement), et d'autre part que je n'ai pas envie de foutre mes « camarades auteurs » dans la merde, ça m'interroge.

Les textes gratuits cassent-ils le marché ?

Ce qui m'a amené à me poser la question : est-ce que les textes gratuits « cassent le marché », et donc la rémunération des auteurs ? Sauf que je pense, à la réflexion, que la question est, comme cela, assez mal posée.

Déjà, mettons qu'on se dise « je vais lire un livre, n'importe lequel, je vais donc prendre le moins cher » ; soit, mais dans ce cas, est-ce que la plupart des gens se tournent vraiment vers des auteurs auto-édités inconnus, plutôt que de piocher dans les nombreux auteurs classiques tombés dans le domaine public et reconnus comme d'une grande qualité littéraire et qu'il est bon d'avoir lu ? Je n'en suis pas persuadée.

Surtout, je pense que la plupart du temps, on a envie de lire un livre donné, ou un livre d'un·e auteur·e donné·e, parce qu'on en a entendu parler, parce qu'un·e ami·e l'a trouvé génial, parce qu'il a eu une super bonne critique, ou alors parce qu'on est fan de la série télé qui en a été adaptée.

Autant dire que dans ce cadre, oui, la gratuité (ou un pris très faible) peut-être un élément un peu déloyal mis en place par un grand éditeur qui s'en sert pour inonder le marché, en investissant de l'argent dans la publicité, les médias, etc. Mais je doute que cette faculté de « casser le marché » soit la même pour les petits auteur·e·s auto-édité·e·s qui diffusent leur livre gratuitement puisque de toute façon tout l'argent qu'ils pourraiennt gagner avec c'est 15,24€ et un mars.

L'auteur indé doit-il être petit patron ?

Bref, ce qui me gêne avec les articles sus-mentionnés, c'est que ça donne l'idée que la gratuité « dangereuse » vient avant tout des petits auteurs auto-édités et pas des campagnes de promotions agressives menées par des entreprises qui ont un peu plus de pouvoir sur le « marché »[1]. Et j'ai l'impression que ce n'est pas la première fois que je vois une certaine tendance à pointer du doigt les « amateurs » d'un domaine qui feraient du tort aux « professionnels ».

Comme je le disais en introduction, je ne trouve pas les conseils sur l'utilisation de la gratuité absurdes pour des auteur·e·s qui désirent se faire de l'argent avec leurs œuvres. Ce qui me pose question, en revanche, c'est que ce soit le seul modèle envisageable, et quand bien même l'auteur reconnaît dans son article que la majorité des auteur·e·s ne vivent pas de leur plume et que « si vous ne gagnez pas votre vie avec la vente de vos livres, ne désespérez pas, c’est tout à fait normal ». Dans ce cadre, est-il vraiment si absurde que le fait de faire de l'argent et des ventes ne soit pas forcément l'objectif principal d'un certain nombre d'auteurs dits « amateurs » ?

Certes, on peut dire que « tout travail mérite salaire », et certes il est très difficile pour un·e auteur·e de faire en sorte que son écriture soit considérée comme un travail légitime. Pour autant, est-ce qu'il faut forcément considérer l'écriture comme un travail ? Est-ce que tout processus créatif doit forcément être monétisé ?

Ça rejoint quelque chose qui me gêne dans beaucoup de discours que je vois passer sur l'auto-édition : le fait de vouloir absolument s'éloigner de ce qui peut relever de l'amateurisme ou du DIY (j'avais écrit un article il y a quelques temps sur les liens que je voyais entre auto-édition et DIY) et où il faut penser commercial, marketing, professionalisme. Au final l'auto-éditeur doit se muer en auto-entrepreneur, voire en petit patron : comment espérer faire des ventes avec une couverture peu attractive ? il faut bien recruter un graphiste professionnel (stagiaire si possible, ça réduira vos frais).

En soit, ça ne me pose pas de problèmes que des gens aient cette approche[2] (et je confesse que j'ai le cul un peu entre deux chaises là-dessus), mais ce qui me gêne c'est que ça devient le seul discours et au final la seule possibilité dans ce domaine. Vous voulez essayer de vous faire de l'argent avec vos livres ? Ok, ça ne me pose pas de problème, franchement, je comprends, un peu d'argent, surtout quand on n'en a pas beaucoup, c'est toujours ça de pris. Mais si vous considérez que l'écriture c'est un loisir, que vous avez envie de diffuser des textes gratuitement, ben très bien aussi. Oui, même si vous estimez en votre âme et conscience que c'est pas un niveau « profesionnel » et qu'il y a quelques maladresses et sans doute quelques coquilles. Et même si vous mettez comme couverture le dessin que votre petit frère a fait sous Paint et que vous, vous trouvez cool mais qui, objectivement, n'est pas du niveau d'un·e graphiste professionnel·le.

Je ne pense pas que faire ça nuise aux auteur·e·s qui essaient d'en vivoter ou tout du moins de gagner un peu d'argent, de même que je ne pense pas que le groupe de punk qui joue à prix libre dans un squat mette en danger les revenus de Johnny Hallyday ou de groupes de musique semi-professionnels. On pourrait cependant, à juste titre, m'objecter qu'un certain nombre de textes gratuits sont diffusés sur Amazon ou Kobo, qui sont loins d'être des squats autogérés et qui, eux, ne se privent pas pour s'en servir d'argument de vente. Cela dit il me semble que le problème est dans ce cas plus lié à une question d'indépendance[3] que de gratuité.

Comme avec les pirates, je pense que c'est prendre le problème par le mauvais bout que de cibler les auteur·e·s qui diffusent gratuitement leurs textes. Il me semble que si on veut s'interroger sur la gratuité et ses conséquences, on pourrait commencer par regarder d'un peu plus près non pas les gens qui créent du contenu gratuitement mais les entreprises qui se font du beurre sur ce contenu, qu'il s'agisse d'Amazon pour les livres mais également de Facebook, Tumblr, Twitter, Wordpress, etc., ou encore des phénomènes comme le crowdsourcing, la récupération commerciale du « participatif » qui camoufle souvent un travail gratuit, etc. (Et tant qu'à faire on pourrait s'interroger sur la propriété privée des moyens de production, et conclure par Vive la sociale !, mais je m'enflamme un peu.)

Notes

[1] Ou, pour élargir hors du domaine du livre, des entreprises qui proposent un service censément « gratuit » mais où vous êtes le produit.

[2] Du moins, le fait de considérer l'auto-édition comme une possibilité de se faire de l'argent, je ne cautionne évidemment pas l'exploitation de stagiaires.

[3] De plus en plus difficile à atteindre en ces temps où, pour avoir une chance d'être lu·e, il faut passer par Amazon pour les livres et par Facebook ou Twitter pour les articles de blog.